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La vie après le bypass

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Après un bypass pas toujours facile de changer l’image qu’on a de soi.<br />
© PHOTOALTO Belgaimage
Après un bypass pas toujours facile de changer l’image qu’on a de soi.
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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

Les premiers temps qui suivent l'intervention chirurgicale, sauf complications, les patients vivent en quelque sorte une lune de miel. Le corps s'allège rapidement de nombreux kilos, la silhouette s'affine, l'énergie revient et le moral remonte. Mais les mois passant, la confrontation au quotidien parfois se complique : difficultés de s’identifier à ce nouveau corps, reprise progressive des mauvaises habitudes alimentaires, découragement face aux efforts… La phase de stabilisation peut aussi entraîner une angoisse de regrossir.

"La situation de fragilité dans laquelle se trouvent certains patients doit retenir toute notre attention, plaide Françoise Heureux, endocrinologue à la clinique de l'obésité de Ste Elisabeth. Le changement de physionomie a un impact important sur l'image que la personne a d'elle-même et celle que lui renvoient les autres. Cela peut bouleverser sa vie et ses relations affectives et sociales, à un point qu'elle n'imaginait pas. Changer de comportements et d'habitudes n'est pas non plus facile. D'où l'importance, pour de nombreuses personnes, de recevoir un soutien dans la durée".

C'est dans ce contexte qu’a été élaboré un programme de suivi éducatif différent de l'accompagnement pluridisciplinaire déjà mis en place. Construit et animé avec le Centre d'éducation du patient ASBL (CEP), ce programme – alliant rencontres individuelles et collectives – a pu se concrétiser l'année passée, grâce au soutien de la Région wallonne, au titre d'expérience-pilote.

Experts et pairs

"Nous avons fonctionné avec un petit groupe de personnes opérées d'un bypass depuis un à trois ans. Les attentes des unes et des autres pour repartir du bon pied étaient très différentes : recevoir des conseils, approfondir ses connaissances, se motiver à prendre des bonnes habitudes, franchir des étapes en groupe… explique Marie-Madeleine Leurquin, chargée de projet au CEP. Les informations issues des rencontres individuelles nous ont aidés à concevoir les ateliers collectifs avec les professionnels de l'équipe".

En l'espace de quelques mois, deux ateliers collectifs ont été animés par la diététicienne, deux autres par le psychologue et les deux derniers par le kinésithérapeute. Présente lors de chaque atelier, une diététicienne du CEP, a contribué à la cohérence dans la prise en charge éducative. "Ces ateliers ont été riches d’informations et d'échanges tant avec les professionnels qu’entre participants", témoigne la chargée de projet.

Lors du premier atelier consacré à l'activité physique, chacun a pu se faire une idée de sa condition physique après avoir effectué quelques tests. Ce résultat a joué un rôle d'électrochoc pour plusieurs participants. Ce fut l'occasion, pour le kinésithérapeute, de les sensibiliser à la nécessité de remuscler leur corps et de les motiver à pratiquer une activité physique régulière.

Lors des ateliers diététiques, les conseils donnés ont été mis en pratique par des préparations et dégustations culinaires équilibrées.

Quant aux ateliers animés par le psychologue, ils ont permis aux personnes d'exprimer leur vécu et leurs expériences dans un climat de respect et d'écoute. "À l'issue de toutes ces rencontres, les participants nous ont dit : 'Dommage que cela s'arrête', s'émeut Françoise Heureux qui a insisté sur les bienfaits du poids "santé" lors des ateliers. Ils ont aussi exprimé le souhait de pouvoir davantage partager leurs expériences entre pairs. Cela nous a décidés à concrétiser, dès le 1er février, un projet qui nous trottait en tête : l'animation, par un psychologue, de groupes de parole."

Quant au programme éducatif lui-même, il va être reconduit grâce au soutien financier du Fonds Gert Noël (1). "Nous espérons vivement pourvoir le pérenniser car il répond à un réel besoin", conclut l'endocrinologue.


Pas une solution miracle

Bypass gastrique, sleeve gastrectomy, anneau gastrique… Dans des indications précises, la chirurgie bariatrique est un moyen efficace pour perdre beaucoup de poids et résoudre nombre de pathologies liées à l’obésité : diabète, complications cardio-vasculaires, apnées du sommeil, problèmes articulaires…. Mais elle n’est pas à envisager comme une solution de facilité. Une perte de poids durable nécessite de se réconcilier avec une alimentation équilibrée, d'adopter des habitudes alimentaires plus saines et un mode de vie plus actif, et de les maintenir sur le long terme.

Par ailleurs, quelle que soit la technique utilisée, il s'agit toujours d'interventions lourdes. Les risques de complications ne sont pas à négliger et les conséquences au quotidien pour le reste de la vie sont loin d'être anodines. Pour ces raisons, la chirurgie bariatrique doit strictement être réservée à des patients en obésité morbide (1) dans le respect des conditions de remboursement par l'assurance soins de santé obligatoire.

Il est notamment précisé que le patient doit avoir suivi, pendant au moins un an, un traitement par un “régime documenté” sans obtenir de résultat stable. Par ailleurs, indications et contre-indications doivent faire l'objet d'une analyse par une équipe multidisciplinaire.

Après l’intervention chirurgicale, le suivi pluridisciplinaire est tout aussi indispensable. Sur le plan médical, il s’agit de détecter des complications éventuelles, de prévenir et supplémenter les carences alimentaires, de suivre l’évolution des pathologies associées à l’obésité…

Le médecin traitant a un rôle important à jouer car c'est à vie qu'un suivi médical est indispensable. Des conseils sont nécessaires aussi pour aider la personne à s’alimenter autrement, lui réapprendre à manger sainement et à se mettre en mouvement. Les bouleversements psychologiques ne sont pas négligeables non plus.


Pour en savoir plus ...

Clinique de l'obésité CHU UCL Namur • 081/72.05.68 • www.obesitebelgique.be