Droits des patients

Médiation et patients (3/3) : le dialogue interculturel

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Candice Leblanc

Candice Leblanc

La Belgique est riche de toutes les cultures et nationalités qui la composent. Avec plus de 60% d’habitants nés à l’étranger, Bruxelles est d’ailleurs la deuxième ville la plus cosmopolite du monde, après Dubaï, mais bien avant Londres ou même New York ! Les hôpitaux bruxellois – comme ceux des autres grandes villes du pays, d’ailleurs – le savent bien : “Nous prenons en charge une patientèle venant du monde entier, explique Marie Robbeets, responsable du service de médiation interculturelle de la Clinique Saint-Jean, dans le centre de la capitale. En matière de soins de santé, il est primordial de bien se comprendre. Raison pour laquelle la traduction est considérée comme une forme de médiation : être compris prévient et apaise les conflits.”  

Un réseau national de polyglottes

Anvers, Gand, Liège, Charleroi… Presque tous les grands hôpitaux du pays disposent d’un service de traduction et/ou de médiation interculturelle. À Bruxelles, la Clinique Saint-Jean compte ainsi trois médiatrices qui parlent le turc, l’albanais, l’arabe classique et berbère, le polonais et le russe –(proche de l’ukrainien, bien utile ces temps-ci…). Et pour les autres langues ? “Les médiateurs interculturels sont organisés en réseau par le SPF Santé publique, explique Marie Robbeets. Quand il n’a pas les ressources en interne, un hôpital peut faire appel aux médiateurs d’autres institutions. À Saint-Jean, nous avons la chance d’avoir un personnel soignant multiculturel que nous pouvons aussi solliciter en cas de besoin."

Les médiateurs interculturels belges effectuent environ 110.000 interventions par an, dans une vingtaine de langues (1).  Pour les (nombreux) autres idiomes et dialectes, les hôpitaux peuvent solliciter des services d'interprétation sociale externes, sur site ou par visioconférence. Les maisons médicales et les médecins généralistes peuvent aussi accéder gratuitement au service fédéral de médiation interculturelle, même si, dans les faits, ils y ont très peu recours, même à Bruxelles.

Traduire le plus fidèlement possible

Dans le cadre hospitalier, la traduction obéit à certains principes. En premier lieu, la neutralité et l’exactitude. Tant le discours médical que les propos du patient doivent être rendus le plus fidèlement possible. “Nous pouvons expliquer l’un ou l’autre terme technique ou médical, mais s’il s’agit d’un problème de compréhension plus large, nos médiatrices demandent plutôt au soignant de réexpliquer. C’est une relation triangulaire. Certains patients suivis régulièrement chez nous voient toujours la même médiatrice ; celle-ci fait partie intégrante de leur parcours de soins. D’ailleurs, quand un rendez-vous est (re)pris, il est aussitôt ajouté dans son agenda à elle.”  

Autre principe : le respect de la confidentialité et de la vie privée. Tant les médiateurs que les traducteurs internes et externes sont soumis au secret professionnel. Ils ne peuvent pas divulguer à un tiers ce qui se dit entre un soignant et son patient.  

Appréhender les différences culturelles

La médiation interculturelle va au-delà de l’aspect linguistique. Il s’agit également de saisir, d’appréhender et de gérer les différences qui existent entre la conception des soins “à la belge” et les us, coutumes et croyances des patients et des proches. La fin de vie et les rituels mortuaires, par exemple, font l’objet de conceptions et de pratiques culturelles différentes. Il est essentiel de les respecter, sous peine de heurter profondément les familles. “Nous travaillons avec le service d’accompagnement spirituel de la clinique, explique Marie Robbeets. Prêtre, rabbin, imam ou représentant laïc peuvent ainsi se rendre au chevet des patients et auprès des familles, à leur demande.”

Autre cas de figure nécessitant du tact : la prise en charge des aînés. Après une hospitalisation, il peut sembler nécessaire au personnel soignant de transférer un patient dans une maison de repos et de soins (MRS). “Mais dans certaines cultures, c’est inenvisageable et nos équipes se heurtent à un refus systématique ! Pour ces familles, un placement en MRS est d’emblée considéré comme un abandon, une honte, voire un déshonneur. Les médiatrices interculturelles peuvent trouver les mots justes pour expliquer le point de vue des médecins, mais ça ne suffit pas toujours… En collaboration avec le service social, nous essayons alors de trouver des alternatives. Par exemple, nous proposons des aides et soins à domicile, afin de prévenir l’épuisement des familles qui, parfois, ne mesurent pas vraiment de ce qui les attend. Mais cela non plus n’est pas toujours accepté. Et ce n’est pas forcément un mal ! Nous assistons à de belles et fortes solidarités intrafamiliales ; les gens réorganisent leur vie pour s’occuper de leurs aînés et, parfois, ils y arrivent très bien ! L'essentiel est d'impliquer au maximum le patient dans son parcours de soins et de respecter ses droits.” 


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