Politiques de santé

Un plan autisme, de toute urgence !

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© Philippe Turpin/Belpress
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Véronique Janzyk

Véronique Janzyk

Deux personnes sur mille au moins sont concernées par l’autisme et plus largement une personne sur 150 par un trouble envahissant du développement (dont fait partie l'autisme). Il y aurait en Fédération Wallonie-Bruxelles 45.000 personnes et autant de familles concernées. La Belgique semble à la traîne en matière de dépistage de l’autisme et de suivi des personnes autistes et de leurs familles. A l’heure où la France développe son troisième Plan autisme, rien de semblable n’existe encore chez nous. D’où la mobilisation du secteur associatif, appelant à l’élaboration d’un Plan autisme à l’échelle du pays(1).

Dépistage et formation

Cette initiative du monde associatif concerné par l’autisme, les professionnels en soulignent la pertinence, comme Eric Willaye, Directeur du Service universitaire spécialisé pour personnes avec autisme, l’un des Centres de référence pour l’autisme agréés par l’Inami, situé à Mons. “Les manquements sont clairs. Nous voyons rarement les enfants avant l’âge de trois ans. Dans notre centre, le diagnostic intervient le plus souvent vers l’âge de quatre ou cinq ans, ce qui est fort tard.

En effet, si l’autisme ne se guérit pas, un dépistage précoce (avant l’âge de trois ans) est fondamental. Il permet un meilleur développement des capacités de l’enfant et est porteur, à terme, d’un meilleur pronostic d’autonomie et d’épanouissement. “Nous travaillons en étroite collaboration avec les familles, en utilisant des questionnaires et tests, en recourant à des observations faites à la maison ou dans le milieu d'accueil. Il s’agit de faire un bilan global des difficultés mais aussi des compétences de l’enfant pour proposer un plan d’intervention personnalisé”, explique Eric Willaye.

Améliorer le dépistage est, dès lors, un des axes prioritaires du Plan autisme. “Le dépistage de l’autisme devrait figurer dans le carnet de santé comme c’est le cas pour la surdité”, plaide Coruja Nsengiyumva, membre du GAMP (Groupe d'action qui dénonce le manque de places pour les personnes handicapées de grande dépendance), une des associations signataires du Plan Autisme.

Un autre axe prioritaire concerne la formation initiale et continue des médecins généralistes, pédiatres, psychologues, éducateurs et enseignants. “Il faut intégrer dans les universités et hautes écoles des cours sur l’autisme et sa prise en charge, basés sur les connaissances et pratiques validées et fondées sur les preuves, plaident les signataires du Plan autisme. Ces recommandations tardent à être diffusées et appliquées en Belgique alors qu’elles sont largement exploitées dans d’autres pays européens”.

Intégration scolaire

Le Plan autisme a également pour objectif de favoriser l’inclusion des personnes autistes dans l’enseignement ordinaire. C’est rendu possible par un décret de 2009: un professionnel de l'enseignement spécialisé continue à encadrer l’enfant dans la classe de l'enseignement ordinaire. A l'heure actuelle, 5% seulement des élèves issus de l'enseignement spécialisé bénéficient de cette intégration. En cause : des budgets limités, des appréhensions du côté des enseignants, des parents et des enfants eux-mêmes... “Pourtant, s’interroge Isabelle, une maman, comment peut-on espérer vivre ensemble plus tard si on n'a pas appris à le faire dès l'enfance?

Tout mettre en œuvre

Orienter les enfants autistes vers des services spécialisés est indispensable. Hélas, ceux-ci font gravement défaut, constatent les associations. Il manque aussi cruellement de professionnels formés à l’approche comportementale et aux méthodes d’intervention éducatives spécifiques associées. “Qu’il s’agisse des services d’aide précoce, des services d’aide à l’intégration, des classes adaptées ou encore de la réadaptation fonctionnelle, les ressources doivent être revues à la hausse, affirme Eric Willaye. Il est fondamental aussi que l’enfant puisse bénéficier de solutions d'accueil extrascolaire adaptées, d’un accueil en internat. Les familles doivent pouvoir souffler. Certaines, faute de lieux d’accueil disponibles, en viennent à s’isoler et à s’épuiser.

Où en est-on quatre mois après la première mobilisation médiatique du collectif d’associations? “Des parlementaires ont interpellé les ministres compétents dans ces matières, explique Coruja Nsengiyumva. Nous poursuivons la sensibilisation. Les élections de l’an prochain offrent l’opportunité d’inscrire la problématique dans les agendas.

Parmi les bonnes nouvelles : le Centre fédéral d’expertise en soins de Santé (KCE) vient de lancer une étude préalable à l’élaboration d’un guide de pratique clinique pour la prise en charge des troubles du spectre de l’autisme chez l’enfant et l’adolescent. “Il faudra ensuite compter sur les capacités des professionnels de la santé à adapter leurs pratiques, ce qui serait une preuve de professionnalisme”, souligne Coruja Nsengiyumva.

Qu’est-ce que l’autisme ?

L’autisme est un handicap qui se caractérise par un déficit persistant en matière de communication sociale. C’est une difficulté à exprimer ses émotions, à s’exprimer et à comprendre autrui. Autre particularité: des intérêts restreints et des comportements stéréotypés. La sensorialité est également atteinte. Les bruits peuvent être perçus comme extrêmement invasifs. Hiérarchiser les éléments dans le champ de vision est difficile. C’est dire si le quotidien est vécu comme agressif. Le goût peut être extrêmement sélectif ou, au contraire, conduire à tout goûter. Le toucher peut aussi être altéré. Une personne autiste peut n’avoir pas conscience du danger que représente une étendue d’eau ou une source de chaleur par exemple.

Ces critères généraux permettent de diagnostiquer ce trouble envahissant du développement qu’est l’autisme (à l'avenir, on parlera de troubles du spectre de l'autisme). Mais les formes et expressions de l’autisme peuvent fortement varier selon les personnes.

La reconnaissance de l’autisme comme handicap a été suivie, en 2005, par la création de Centres de référence pour le diagnostic et le suivi de la prise en charge de l’autisme. Ces centres sont au nombre de huit en Belgique.

Le parcours du combattant

> “Mon fils n'avait pas un comportement ordinaire, explique Coruja. Mais j’ai fait l’amalgame avec son frère qui, lui, était à haut potentiel. L'entrée à l'école s'est mal déroulée. Mon fils a été jugé non volontaire, difficile. J'ai consulté des spécialistes. On s'est lancés dans de la logopédie intensive. Le parcours de mon fils est devenu chaotique. Il est passé par l'enseignement spécialisé, mais même travailler en petit groupe posait problème. Cela s'est terminé par une déscolarisation. Il a été hospitalisé pour psychose, un faux diagnostic”.

La maman a fait le choix de sortir son fils de l'hôpital, de solliciter d'autres avis. Diagnostiqué autiste, il a été inscrit pendant deux ans dans une école privée, faute d'établissements publics. Il vient de rejoindre enfin une école de l’enseignement public... “Je vis avec le sentiment que des années de la vie de mon fils ont été bousillées. J’ai vécu toute cette période dans l’isolement social. J’ai aussi connu l'angoisse de me trouver sur des listes d'attente pour accéder aux consultations de psychologues formés à l'accompagnement d’enfants autistes. Je voudrais que les parents ne vivent plus de tels dégâts. C’est pour cela que je me bats au sein du GAMP”, témoigne-t-elle.

> Pour Wolfgang, le fils d’Isabelle, poser le diagnostic d’autisme fut long aussi. Selon la famille et les médecins, tout allait bien. Leur argument ? Les enfants se développent à des rythmes différents, pas d’inquiétude donc à avoir. Sauf qu'il a bien fallu se rendre à l'évidence devant les difficultés rencontrées en maternelle, à savoir une incapacité à être bien avec les autres, de la peur, de l'anorexie. Le diagnostic d'autisme établi, Wolfgang a pu rejoindre un enseignement spécialisé. "Là, c'est le déclic, explique Isabelle, Wolfgang a repris confiance en lui. Il a commencé à se nourrir d'autres aliments que du fromage blanc. Les progrès ont été tels qu'il a pu, avec six autres enfants, faire partie d’un projet d'intégration collective dans l'enseignement ordinaire. Ce qui est beau dans ce projet, précise-t-elle, c'est que tous les enfants sont soutenus dans leurs difficultés par les deux enseignants qui interviennent simultanément en classe.

Bilan au terme de la cinquième année primaire pour Wolfgang : une plus grande aisance sur le plan social, un gain d'autonomie et un goût de la parole de plus en plus affirmé.

Pour en savoir plus ...

Plan autisme : Infor autisme : 0476/94.65.18 - Ligue des Droits de l’enfant : 0477/54.59.07