Politiques de santé

Solidarité pour une meilleure société      

3 min.
(c)Hans Lucas
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Julien Marteleur

Julien Marteleur

Pour poser les jalons de ce dernier rapport axé sur la solidarité, le Service interfédéral de lutte contre la pauvreté a travaillé en dialogue avec des institutions et des experts, mais aussi des personnes en situation de pauvreté, des organisations de terrain et des associations. Celles-ci ont avant tout pointé le fait que les personnes touchées par la précarité souhaitent non seulement exprimer leur solidarité et contribuer à la société, mais qu'elles agissent en ce sens. "Contrairement aux préjugés qui véhiculent l'idée que les personnes en situation de pauvreté 'profitent du système', ces dernières y contribuent au contraire de multiples façons, qui ne sont pas valorisées, regrette Thibault Morel, collaborateur au sein du Service. La pandémie mais, aussi, les inondations de l'été 2021 ont prouvé à quel point la solidarité était importante pour les plus démunis, qui n'hésitent jamais à aider leurs voisins ou les diriger vers les services sociaux adéquats. Ces personnes paient des impôts – directs ou indirects comme la TVA, notamment les accises. Elles font aussi du volontariat ou exercent des emplois, souvent précaires malheureusement (contrat intérimaire, travail 'au noir'…)."    

Un accompagnement sur mesure et participatif
Un emploi décent sur les plans contractuel et financier reste essentiel pour sortir durablement de la pauvreté et élaborer un projet de vie, un futur. "Les gouvernements et les partenaires sociaux doivent fournir ce type d'emplois aux personnes en difficulté, souligne Henk Van Hootegem, coordinateur du Service de lutte contre la pauvreté. Nous travaillons sur des initiatives supplémentaires visant la création de ce type d'emplois, comme cela est expérimenté en France avec les 'territoires zéro chômeur longue durée' qui s'appuient sur plusieurs constats : personne n'est inemployable et ce n'est ni le travail, ni l'argent qui manquent. Il faut partir des besoins d'emplois d'une collectivité, d'un village ou d'une région, mais également écouter les besoins des chômeurs de longue durée. Pour financer ces nouveaux emplois, on pourrait utiliser les fonds alloués initialement aux allocations de chômage, par exemple, mais également une partie du budget du plan de relance post-Covid belge, dont une partie de l'enveloppe de 5,9 milliards est réservée à la formation et au développement des compétences."

Une fiscalité plus juste = plus de moyens
Le rapport du Service de lutte contre la pauvreté relève également de nombreuses inégalités au niveau fiscal. La progressivité de l'impôt, qui permet à chacun de contribuer selon ses revenus, se réduit de plus en plus depuis plusieurs décennies. Or, en 2019, 132.000 millionnaires en dollars ont été recensés en Belgique. Soit… 60% de plus qu'en 2012. Pour Thibault Morel, "il est impératif d'instaurer une forme d'imposition sur la fortune et de renforcer la lutte contre l'évasion fiscale. Les citoyens les plus fortunés et les grandes multinationales doivent contribuer à leur mesure. C'est sur les épaules les plus larges que doivent reposer les charges les plus lourdes." Le rapport propose donc de renforcer le principe de progressivité de l'impôt et de prendre en compte de manière beaucoup plus équilibrée les différents revenus dans le calcul fiscal. Il demande également de tenir compte de ces inégalités dans la mise en place de certains impôts, comme par exemple la future "taxe carbone" : qui, en situation de pauvreté, a les moyens d'isoler sa maison ou d'acheter un véhicule moins polluant ?

Effets Matthieu
Le rapport met également en évidence de nombreuses inégalités dans les mécanismes de redistribution. Il se penche ainsi sur les "effets Matthieu", ces mécanismes selon lesquels ceux qui ont déjà beaucoup sont souvent encore avantagés. Les personnes en situation de précarité utilisent par exemple beaucoup moins les services publics que les autres groupes de population. Récemment, 3,5 millions de personnes ont fait la demande du Hello Belgium Railpass, cette carte de trajets en train proposée gratuitement en 2020 dans le cadre de la pandémie. Cependant, Henk Van Hootegem note que "notre analyse des données de la SNCB et du SPF Mobilité a démontré l’existence de différences importantes en fonction de la position socioéconomique. Par exemple, plus les personnes ont un niveau d'instruction ou un revenu faible, ou si elles ont une origine étrangère, plus leur taux de recours à ce type d'avantages est faible."

Le Service de lutte contre la pauvreté insiste : durant et après cette crise sanitaire, il faut investir dans la solidarité institutionnelle et la protection sociale plutôt qu’épargner et renforcer ces piliers essentiels de la société. "Si aucune initiative n'est prise, le fossé entre riches et pauvres risque de se creuser davantage, préviennent Thibault Morel et Henk Van Hootegem. Et ceux qui se maintiennent tant bien que mal au bord de ce fossé risquent bien d'y basculer aussi…"