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S’informer, un geste barrière

S’informer, un geste barrière © M. Detiffe

Devant l’épidémie de désinformation, soutenir l’éducation permanente et des médias de qualité est aussi un enseignement à tirer pour sortir la tête haute de la crise sanitaire.


Dans le passé, le Brexit et les élections américaines ont montré que la lutte contre la désinformation était devenue un enjeu démocratique. Avec le Covid, on découvre que c’est aussi une question sanitaire. Les États peuvent courir après les doses de vaccin, ces efforts resteront vains si leurs citoyens pensent qu’un vaccin peut modifier l’ADN ou qu’un bain chaud protège du Covid...

La manipulation de l’information n’est pas un phénomène neuf, mais Internet lui a donné une résonance d’une ampleur inégalée. La situation est paradoxale. D’un côté, nous n’avons jamais eu accès à autant de sources variées : médias traditionnels ou de niche, vidéos et podcasts de vulgarisation scientifique, publications en ligne des universités et des autorités sanitaires... De l’autre, Internet nous impose des œillères. En proposant des contenus sélectionnés sur base de nos préférences, les algorithmes des moteurs de recherche et des réseaux sociaux endorment notre curiosité et nous enferment dans nos idées préconçues (1).

La crise sanitaire est aussi un terrain particulièrement fertile pour la circulation des théories du complot. En période d'incertitude, l’être humain éprouve naturellement le besoin de trouver du sens là où il n’y en a pas, ou en tout cas, quand il n’est pas à portée de main. Les adeptes des théories du complot affirmeront toujours que rien n’est dû au hasard... En reliant artificiellement des évènements qui n’ont rien en commun, ils proposent des explications faciles et séduisantes, particulièrement pour les plus vulnérables d’entre nous. Dès lors, il importe de garder une écoute bienveillante, non méprisante, de ne pas rompre le dialogue avec une partie de la société qui risquerait sinon de s'enfermer davantage dans sa "bulle de convictions" en opposition à une “certaine élite”.

Communiquer, un effort dans les deux sens

Avec Internet, les détenteurs traditionnels de la connaissance ont perdu leur monopole. Si l’on peut se réjouir de voir la parole publique et la production d’information se démocratiser, les dérives de la désinformation nous invitent toutefois à repenser notre rapport au savoir. La vérité est multiple, complexe et nuancée. Les vérités assénées comme des couperets doivent toujours susciter notre plus grande méfiance. Le savoir scientifique est un long processus qui se construit par la recherche et la contradiction. Une étude prise isolément a peu de sens. De même, le travail journalistique n’a pas la prétention d’asséner des vérités. Mais c’est une démarche qui doit obéir à des règles en matière de vérification des sources, de droit de réponse, de distinction entre les faits et les opinions, etc.

Dans le monde numérique, le rôle des experts, des journalistes, mais aussi des médecins ou des enseignants, est appelé à devenir plus complexe. Dispenser des connaissances ne suffit plus, il faut aussi faire preuve de pédagogie pour expliquer la méthode, partager les outils qui permettent de traiter l’information, devenir un médiateur de savoirs... Mais cet effort n’a de sens que s’il est partagé : communiquer est, d’une part une compétence, voire un art pour l’émetteur et d’autre part, une attitude et une posture à adopter pour celui qui veut décrypter, comprendre, s’intéresser ou simplement se divertir. Sur Twitter, la désinformation circule, en moyenne, six fois plus vite que les informations sérieuses (2) ! Les fake news jouent sur le registre de l’émotion, de la peur, la colère, pour nous pousser à partager trop vite. Quoi de plus facile, en effet, que de s’indigner d’un simple clic ?

Acteurs du débat

Face à l’épidémie de fake news, maintenir les médias en bonne santé est probablement l’un des premiers gestes barrières à adopter. Les médias ont souvent vu leur audience augmenter avec la crise sanitaire, mais leurs modèles économiques restent fragilisés par les mutations numériques. Ils auront besoin du soutien de leur audience, mais aussi des pouvoirs publics, pour continuer à se réinventer autour d’un modèle qui fait la part belle à l’information de qualité plutôt qu’au buzz destiné à attirer l’annonceur.

Sur le terrain de la santé, la MC a aussi sa pierre à apporter pour contrer la désinformation. Les activités d’éducation permanente menées par ses mouvements participent à réveiller notre esprit critique, à nous sortir de notre zone de confort pour nous faire rencontrer de nouvelles personnes et de nouvelles idées, à nous faire devenir des acteurs et actrices du débat. C’est aussi dans cet état d’esprit que la MC est fière de vous livrer, toutes les deux semaines, le journal que vous tenez entre vos mains. Au-delà de sa mission première de vous informer de vos avantages et de vos droits, de vous apporter une information vérifiée sur les questions de santé, En Marche est aussi une invitation à nourrir votre curiosité, à vous questionner sur les enjeux de santé et plus largement de société, à débattre et à vous engager pour un monde plus juste et solidaire.


(1) “The spread of true and false news online”, étude du MIT, 2018

(2) “Déjouer les pièges de la désinformation : fakenews, pièges à clics, propagande ...”, Conseil supérieur de l’éducation aux médias, mai 2019