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Qu'est-ce qui nous rend heureux ?

Qu'est-ce qui nous rend heureux ? (c)M. Detiffe

Alors que la richesse nationale augmente constamment depuis dix ans, le bien-être des Belges reste inférieur au niveau atteint avant la crise de 2008. La baisse de la qualité de la vie liée à la santé en serait la principale explication.


L’argent ne fait pas le bonheur. Cette fois, ce n’est pas la sagesse populaire qui le dit, mais une étude du très sérieux Bureau du Plan. L’organisme d’intérêt public a décortiqué les indicateurs de qualité de vie, de développement humain et de progrès social. Conclusion : quand le produit intérieur brut (PIB) qui mesure notre richesse augmente, le bien-être ne suit pas cette courbe positive. Encore plus inquiétant, les indicateurs de développement durable - dont les indicateurs environnementaux - qui expriment la capacité de la société à maintenir, voire à augmenter le bien-être sur le long terme, sont peu favorables.

Quand la santé va, tout va
Mais alors, qu’est-ce qui nous rend heureux ? Le Bureau du Plan a examiné cinq thèmes : les niveaux de vie et de pauvreté, le travail et le temps libre, l'éducation et la formation et enfin, la santé et la vie en société. Les résultats indiquent que la santé est le déterminant principal du bien-être des Belges. L’état de santé est mesuré de manière subjective : se déclarer en bonne ou mauvaise santé, avoir des limitations de longue durée ou encore rencontrer un problème de santé de longue durée. Les niveaux de vie et de pauvreté arrive en seconde position, suivis des relations sociales. Pouvoir demander de l’aide et se confier à un proche influencent positivement le bien-être. L’impact du revenu semble quant à lui limité.
L’évolution du bien-être rencontre une chute brutale avec la crise économique et financière de 2008. À partir de 2015, une lente remontée est observée avec, toutefois, un niveau qui reste bien en-deçà d’avant la crise. La principale raison de cette détérioration du bien-être, c'est la baisse de la qualité de vie liée à la santé. Elle se manifeste par l’augmentation des personnes se plaignant de douleurs et, surtout, une certaine anxiété/dépression. Le fait que la part des travailleurs en incapacité de travail de longue durée, surtout pour des raisons psychiques, ne cesse d’augmenter, confirme cette détérioration de la santé. Notons que l’indicateur "support social", qui mesure la qualité des relations sociales, est resté stable et a permis de compenser partiellement la baisse de bien-être.

Pour un autre modèle de société
Pourquoi la croissance économique n’est-elle pas synonyme de bien-être ? L’étude souligne en tout cas que la croissance économique n’a pas amélioré la santé, surtout la santé mentale. Le déséquilibre entre travail et loisirs se fait au détriment du temps consacré aux relations sociales. La culture de la consommation, poussée par la publicité, induit des comportements et des habitudes de vie néfastes pour la santé et, par conséquent, le bien-être.  Enfin, la croissance ne bénéficie pas à tous de la même façon. Les inégalités grandissantes suscitent frustration et mal-être. Les indicateurs montrent également que la confiance, tant dans les institutions qu'envers l'autre en général, se détériore.
Les résultats du Bureau du Plan prouvent que d’autres politiques doivent être menées pour améliorer le bien-être : construire des espaces publics de qualité, encourager la coopération plutôt que la compétition, donner du sens et de la qualité au travail, soutenir la mobilité douce et l’économie locale, permettre un meilleur équilibre entre travail et vie privée, réduire les inégalités, etc.

Le bien-être des Belges est donc essentiellement lié à la santé et aux relations sociales. Le PIB, le revenu, la croissance économique, pèsent moins lourd dans la balance du bonheur. Ces constats ne sont pas nouveaux, les études le confirment d'ailleurs de manière assourdissante. Alors, qu’attend-t-on pour enfin changer de cap ? Faudra-t-il passer par une catastrophe sanitaire pour se réveiller ?