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Le vivre ensemble, un médicament libre de droits

Le vivre ensemble, un médicament libre de droits © M. Detiffe

Et si nous pouvions ajouter à la gamme des médicaments disponibles le vivre ensemble ? Il ne s’agirait pas d’une nouvelle forme de médecine douce proposée par des spécialistes du bien-être, mais d’une vraie solution chronique orientée vers la bonne santé globale de notre société.


La question de l’accessibilité et de la disponibilité des médicaments a récemment occupé beaucoup de place dans l’espace médiatique. Que ce soit pour soigner des maladies graves, orphelines, chroniques ou aigües, nous savons que rien ne remplacera jamais certaines médications qui permettent de sauver des vies ou d’en maintenir la qualité. Grâce à notre puissant système de sécurité sociale, en tant que patients, nous mesurons peu le prix de ces médicaments. Mais nous entendons qu’ils pèsent sur le portefeuille de la collectivité. Et qu’il faudra mettre un frein à l’appétit de l’industrie pharmaceutique pour que leurs coûts ne viennent pas grignoter les autres investissements nécessaires à réaliser dans les politiques de santé  (lire notre édito du 3 octobre 2019, Quand le marché du médicament dérape, Jean Hermesse). La disponibilité et l’accessibilité des médicaments seront des enjeux majeurs dans les années à venir, pour lesquels la Mutualité chrétienne se mobilisera plus que jamais.

Mais pour assurer la bonne santé de la société, nous pensons aussi qu’il existe un autre traitement, non breveté. Il est libre d’être reproduit par tous et n’a que des effets secondaires positifs : le vivre ensemble. Il ne s’agit bien évidemment pas de remettre en question l’importance des médicaments, mais d’en compléter la panoplie.

Le lien, c’est la santé

De nombreuses recherches démontrent qu’être socialement isolé et faiblement intégré étaient des conditions généralement associées à une moins bonne santé, physique ou mentale (1). D’autres travaux scientifiques convergent pour montrer que la pratique du volontariat contribue au bien-être psychique et physique de celui qui s’y investit (2).

Et si l’on considérait dès lors que tout ce qui contribue au vivre ensemble devrait bénéficier davantage d’attention qu’à l’heure actuelle ? Les associations, les clubs, les initiatives communautaires, les organisations qui offrent des services, les lieux qui favorisent les rencontres méritent d’être davantage soutenus. On sait malheureusement que les finances publiques ne seront pas à la hauteur des besoins pour les projets à mener. Mais soutenir le vivre ensemble n’est pas uniquement une question de financement, c’est aussi une question de culture, d’éducation, de bienveillance. Il s’agit aussi de la capacité à se coordonner par la négociation, l’échange, la rencontre, le débat. Et de prendre du recul sur notre façon de vivre et de communiquer !

À nous de jouer

Le vivre ensemble n’est pas un monde de bisounours. On se trompe si l’on pense que le vivre ensemble est fait uniquement de relations calmes où l’accord prévaut sur toutes les autres formes de relations. C’est une forme de lien, parfois ténu, qui permet d’échanger et de construire sans que l’accord soit nécessairement un préalable, mais en respectant les règles de la relation. Mais chaque fois que l’on permet, organise, soutient la "mise ensemble" et l’échange, des portes s’ouvrent et des solutions apparaissent. Ce vivre ensemble permet une place à chacun dans notre monde organisé, dans notre société.

Les associations, les structures, les écoles et universités doivent s’engager dans le développement des comportements favorisant ce vivre ensemble. Les médias, les personnalités publiques, les hommes ou femmes politiques doivent montrer l’exemple. Mais cela passe aussi par nous : vous et moi. Pouvons-nous attendre de chacun d’entre nous remette au cœur de ses préoccupations notre capacité d’être en relation, de participer à l’organisation de notre monde, à petite ou grande échelle ? À l'heure où notre pays traverse une zone de turbulence communautaire, où la société doit se mobiliser pour relever les défis climatiques, il est urgent de reprendre le chemin menant à des attitudes favorisant la rencontre, la relation saine, assertive et bienveillante. La participation fait partie de la solution ! Le bien-être et la santé en sont le résultat.

Le vivre ensemble : un médicament léger sans prescription, sans coût, sans contre-indication, qui n’est pas voué à périmer si nous savourons cette "biodiversité humaine", comme dirait le philosophe Josef Schovanec, et que nous cultivons cette richesse relationnelle avec cœur, conscience et intelligence.