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Le gouvernement met la concertation hors-jeu

Le gouvernement met la concertation hors-jeu © Matthieu Cornélis

Fruit de longues préparations et discussions avec tous les acteurs de la santé, une proposition de budget 2016 venait d'être conclue entre prestataires et mutualités. Cette proposition a été balayée d’un revers de main par le gouvernement fédéral, sans concertation ni considération. Cette attitude peu respectueuse n’est ni bonne pour la motivation ni propice à une bonne collaboration. Elle va compliquer la conclusion d’accords sur les tarifs avec les prestataires de soins. Elle laissera des traces.


Nous venons de vivre une drôle de pièce de théâtre lors de la fixation du budget des soins de santé pour 2016. Le budget traduit des choix essentiels pour le quotidien de milliers de patients et de prestataires de soins : rembourser de nouveaux médicaments, déterminer la hauteur des coûts à charge des patients, envisager le suivi des malades chroniques, organiser des permanences médicales, revaloriser les actes intellectuels comme la consultation… Pour poser des choix opportuns, il est important d’être à l’écoute des besoins des soignés et des soignants, de garder à l'esprit que le patient est au centre du dispositif, d’avoir une vision à long terme. La démarche prend du temps et nécessite de la concertation. Cette année, la pièce de théâtre s’est transformée en véritable vaudeville, une comédie en trois actes.

Acte I
Le décor est planté, un budget très austère

Selon la loi, le budget 2016 pouvait augmenter de 1,5%. Mais le conclave budgétaire de juillet a ramené la norme de croissance à 0,63%. Le gouvernement décide, entre autres, d'imposer un saut d'index aux prestataires de soins (com me pour les salariés et fonctionnaires), de supprimer les montants réservés pour financer les nouvelles initiatives déjà décidées, de ne pas utiliser les marges dégagées par une baisse de consommation. La norme de croissance légale n’est pas respectée. Le budget des soins de santé 2016 permettra tout juste d’assurer la continuité des services existants. C'est le budget le plus austère que l'on ait connu en dix ans. Voilà pour le décor planté par le gouvernement fédéral.

Acte II
Mutualités et prestataires de soins se concertent. Ils prennent leur responsabilité

Malgré les moyens limités octroyés par l'État et dans le souci d’adapter l'offre de soins aux besoins d’une population plus nombreuse et vieillissante, des mutualités - dont la MC - ont élaboré une proposition la plus engageante possible. Il s'agissait à la fois de réaliser des économies et de financer de nouvelles initiatives, dans le cadre d’une politique de santé à long terme.

Au programme : un réseau de postes de garde renforcé, une plus grande attention aux malades chroniques, la délégation de tâches pour libérer du temps chez les généralistes, une incitation à l’informatisation et au travail multidisciplinaire, une diminution de budgets en biologie clinique et en radiologie, une baisse de prix des médicaments chers, des incitations à des prescriptions plus rationnelles, un meilleur rembousement des frais d’optique et des appareils auditifs, une plus grande centralisation des soins spécialisés…

Ces propositions ont été présentées et discutées avec tous les prestataires de soins et finalement, le 5 octobre au Comité de l’assurance de l’Inami, une majorité a approuvé l'ensemble. Mutualités et prestataires ont réussi à s’entendre par la concertation sur un budget ‘austère’ avec une vision et de l’ambition.

Acte III
Le gouvernement impose son budget "revu"

Cette proposition budgétaire concertée devait ensuite être approuvée par le Conseil général de l’Inami (où siègent les mutualités, les représentants des employeurs, les syndicats et le gouvernement). La réunion pour statuer sur cette proposition se tenait le lundi 12 octobre dernier. À cette réunion, le gouvernement a rejeté unilatéralement la proposition et imposé sa vision du budget - totalement différente de celle qui a été concertée.

À la surprise générale, le gouvernement a sorti de son chapeau une enveloppe supplémentaire de 220 millions d'euros et en a décidé par la même occasion son affectation. Il la destine principalement au secteur hospitalier et à une série de nouvelles initiatives ponctuelles dont aucune ne correspond aux propositions conjointes des mutualités et des prestataires de soins.

Pourquoi ne pas en avoir parlé avec les mutualités et les prestataires au préalable ? Pourquoi ignorer les propositions issues de la concertation ? Pourquoi provoquer de la sorte les mutualités et les acteurs de soins désireux de s’inscrire dans une démarche constructive ? Pourquoi avoir caché cette enveloppe supplémentaire de 220 millions d'euros et avoir imposé un cadre budgétaire plus austère ? Pourtant la ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block, dans sa note de politique de santé 2015, déclarait : "La concertation avec tous les intéressés sera un leitmotiv" !

L'enveloppe budgétaire des soins de santé en 2016 est étriquée. Malgré tout, des mutualités et des prestataires s’investissent et proposent de manière constructive une répartition et des mesures budgétaires pour une politique de santé à long terme. Le gouvernement fédéral n’entend rien et impose son budget sans concertation…, ce qui est démotivant. Cette attitude risque de conduire chaque acteur de soins à se préoccuper de son seul intérêt, en se disant "à quoi bon penser global"… Cette situation n'est pas favorable aux intérêts des patients.