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La santé, patrimoine de l’humanité

La santé, patrimoine de l’humanité

Pour éradiquer la pandémie, les vaccins devront être adoptés par tous, mais aussi accessibles pour tous, partout dans le monde. La santé est un bien commun qui ne peut céder aux seules lois du marché et engage notre responsabilité collective.


Alors que les jours continuent à raccourcir, les efforts des scientifiques pour développer un vaccin contre le Covid nous offrent enfin un rayon de lumière. On l’attendait pour le printemps ; finalement, le premier vaccin devrait être autorisé en Europe avant même la fin de l’année pour permettre de vacciner les publics prioritaires dès janvier. 

Mais ces bonnes nouvelles ont été précédées, ces dernières semaines, d’une guerre de communication à la fois commerciale et politique : c’était à qui annoncerait ses résultats le premier, à qui protégerait le mieux, quel pays en achèterait le plus…  On en oublierait presque que l’enjeu de ce vaccin, c’est d’abord et avant tout de protéger la santé des citoyens, et nous permettre d’envisager l’avenir sous un ciel serein ! Et pour ce faire, la Belgique doit se doter d’une réelle stratégie de vaccination, portée par l’ensemble des entités fédérées et des acteurs impliqués, qui soit cohérente, porteuse, transparente et efficace. La complexité de notre petit pays ne peut entraver cette tâche. Le pire des scénarios ne serait-il pas de nous retrouver dans six mois toujours empêtrés dans un semi-confinement aux nombreux effets secondaires graves sur la santé économique et mentale de notre société ?

Suspendre les brevets

Il aura fallu un an seulement pour développer un vaccin qui fonctionne. Un record. En temps ordinaire, il faut des années de recherches et de patience pour développer un vaccin. Quand le vaccin est “terminé”, il entame alors un long chemin de validation. L’agence européenne du médicament (AEM), prend connaissance de l’ensemble des études et analyses, avant de valider ou non le produit. Cette fois, l’AEM avait accès en direct à tous les résultats ; les procédures ont été facilitées sans hypothéquer la qualité des travaux.  

Malheureusement, la recherche en matière de vaccin est souvent ralentie par le manque de moyens financiers. Dans le cas du Covid, les pré-achats de millions de doses par l’Union européenne et d’autres grandes puissances ont permis aux industriels d’investir avec la certitude d’un retour. Certains patrons de laboratoires ont ramassé un joli pactole en vendant leurs actions juste après l’envoi de communiqués de presse annonçant des résultats positifs. On ne peut plus accepter, comme c’est trop souvent le cas dans le domaine pharmaceutique, que le risque soit supporté par le public et les bénéfices empochés raflés par le privé.

Nous devons exiger un retour sur investissement à la mesure des efforts déployés. C’est maintenant au monde pharmaceutique de soutenir l’effort collectif. Face à une pandémie qui n’épargne aucun continent, nous ne sortirons de l’impasse que si l’ensemble des citoyens du monde sont protégés, quel que soit leur pouvoir d’achat.   

À l’instar de la proposition faite par l’Inde et l’Afrique du Sud à l’Organisation mondiale du Commerce de supprimer la propriété intellectuelle sur les vaccins et autres dispositifs sanitaires liés au Covid-19 tant que l’immunité mondiale n’est pas atteinte, nous demandons à la Belgique de faire preuve de bon sens et de courage en exigeant, au niveau de l’Union européenne, de suspendre l’application des brevets jusqu’à la sortie de la crise sanitaire (1). 

La crise sanitaire a démontré, s’il le fallait encore, que le médicament ne peut pas être considéré comme un bien de consommation comme un autre. En 2009, la chercheuse américaine Elinor Olstrom recevait le prix Nobel d’économie pour ses travaux sur les “communs”. Pour cette politologue, les ressources naturelles que sont les forêts ou les nappes phréatiques ne sont jamais aussi bien gérées que quand elles sont aux mains des communautés et seul ce mode de gestion permet de garantir un accès équitable de ces ressources fragiles. De la même façon, on peut considérer que le climat, la biodiversité ou la santé constituent un patrimoine de l’humanité qui relève de notre responsabilité collective. Un bien qui doit être protégé de la gourmandise des entreprises, mais aussi un patrimoine que nous nous devons chacun de protéger. Car le scepticisme à l’égard des vaccins est l’autre menace qui pourrait faire échouer la campagne vaccinale. En tant qu’actrice de la santé, la MC a ici aussi un rôle important à jouer en étant à l’écoute de ses membres, en relayant leurs questions et en y répondant de façon transparente pour permettre à chacun de participer à la protection collective dans une démarche positive et citoyenne.

La MC soutient l'initiative citoyenne européenne "Right to Cure" qui vise à mettre à l'ordre du jour de la Commission européenne les questions liées à l'égalité d'accès aux solutions Covid-19, y compris les vaccins. Cet outil officiel permet aux citoyens européens de présenter des propositions législatives à la Commission s'ils recueillent un million de signatures en un an dans au moins sept États membres. Signez en ligne : noprofitonpandemic.eu


(1) "Vaccin Covid-19 : et si c’était un bien commun ? - Carte blanche ", La Libre Belgique , 3 décembre 2020