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Demain, c’est maintenant !

Demain, c’est maintenant !

Le plan de relance que la Belgique doit présenter à l’Europe ne peut pas être un rendez-vous manqué avec nos idéaux. La MC plaide pour que cette manne financière serve la transition vers une économie qui allie social et environnement au service de la qualité de vie.


Au début de la pandémie, une fois le premier choc passé, tout le monde s’est autorisé à rêver d’un monde meilleur, plus durable, plus résilient. Chacun échafaudait des plans remplis d’espoir pour améliorer la société. Aujourd’hui, cet élan semble s’essouffler. La fatigue s’installe à juste titre, l’isolement pèse de plus en plus lourdement, la précarité s’aggrave. Les élans de chaleur et de solidarité du printemps tendent à s’effacer devant le froid hivernal et la tentation du repli sur soi.
Le moment, pourtant, n’a jamais été aussi propice pour concrétiser ces idéaux. La Belgique doit présenter à l’Europe son plan de relance pour une économie résiliente. Avec, à la clé, près de six milliards d’euros à décrocher pour assurer la transition !

La crise a mis en lumière des failles que nous connaissions déjà : pauvreté grandissante, fracture sociale et numérique, difficultés à faire fonctionner un système de soins de santé englué dans une 6e réforme de l’État, limites du financement des hôpitaux… Force est de constater que cette première ébauche du plan ne tire pas suffisamment les leçons de la crise.
Croire que l’on va s’occuper de la santé en construisant de nouveaux hôpitaux relève, au mieux, de l’utopie. Ce dont nous avons besoin demain, ce ne sont pas de nouveaux lits d’hôpitaux à remplir, mais une politique de santé publique cohérente et ambitieuse. Pour construire un système de santé plus juste et efficace, il est impératif d’investir dans des fondations solides : les professionnels de première ligne, les initiatives d’accompagnement et de maintien à domicile, les centres de convalescence et de santé mentale et, plus globalement, une approche qui met le patient au coeur du trajet de soin.

Investir dans le lien social

À la façon du Plan Marshall déployé pour reconstruire l’Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le projet de la Belgique pour la relance met en avant les investissements dans les infrastructures. Financer des grands chantiers pour créer de l’emploi et du pouvoir d’achat ? Si on veut relever les défis mis en exergue par la crise sanitaire, il nous faudra des politiques plus innovantes que cela… Sans quoi, on risque bien de se présenter devant les instances européennes avec une simple liste de courses sans ambition politique.
Pour la MC, le plan de relance doit être une opportunité de construire une économie qui conjugue social et environnement au service de la qualité de vie.
À titre d’exemple, on estime que les coûts pour isoler l’ensemble des logements en Belgique pourraient être amortis en quelques années seulement grâce aux économies engendrées sur les frais de santé causés par le mal-logement. Si des montants relativement importants sont sollicités auprès de l’UE pour isoler les bâtiments scolaires (mais seulement du réseau officiel !), les crèches communales et les bâtiments publics (la Belgique y aura sans doute vu une opportunité d’enfin retirer les échafaudages du Palais de Justice…), proportionnellement, le logement privé et les infrastructures associatives restent un peu sur le carreau.

Un autre exemple concret ? Il y a des mois, tout le monde en appelait à consommer local pour relocaliser l’emploi tout en améliorant l’environnement. Le plan de relance effleure à peine le dossier au détour d’une ligne. C’est oublier aussi que les circuits courts sont un terreau fertile pour expérimenter des formes d’entrepreneuriat innovant, de démocratie en entreprise, d’économie partagée. Le plan fait, en revanche, la part belle à la 5G. Consommer des ressources naturelles rares et précieuses pour créer un univers de gadgets connectés, était-ce là notre rêve pour l’après ? Ne faudrait-il pas plutôt réserver les investissements technologiques à améliorer l’automatisation des droits sociaux pour que chacun bénéficie de la protection sociale qu’il mérite et pour laquelle il cotise ?

Sauver l’économie ne servira à rien si on n'investit pas dans le capital humain qui fait tourner la machine. Au-delà des constats, le plan de relance doit aussi mettre en oeuvre des moyens pour combler le fossé qui s’est creusé dans la population et recréer la confiance. La relance passera aussi par le lien social et doit reposer sur les acteurs de terrain qui connaissent les citoyens et, jour après jour, construisent ce maillage dans lequel chacun a besoin de se sentir ancré pour fonctionner. Les acteurs sociétaux et les corps intermédiaires que nous sommes ne devraient plus passer la majeure partie de leur temps à tenter de se frayer un chemin dans les arcanes institutionnels et les enjeux de politiciens, à se coaliser pour porter des messages communs en espérant que certains percolent, à devoir s’imposer pour être autour de la table et participer à écrire ce changement.

Le monde d’après se construit aujour d’hui. Le plan de relance délivrera ces effets dans quelques années. Le choix des priorités qui seront effectivement déployés est un moment crucial pour l’avenir de notre vivre ensemble. Ne ratons pas ce momentum pour poser des choix engagés et fédérateurs pour créer une alliance santé, emploi, environnement, portée par l’ensemble des acteurs de ce pays.