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Décloisonner la solidarité

Décloisonner la solidarité © Marc Detiffe

Le mot "solidarité" est connoté positivement. Dans notre monde en quête de sens, être solidaire est a priori "de bon ton". Mais quand il s'agit de concrétiser le principe – notamment entre le Nord et le Sud de la planète – des réticences apparaissent ; les réactions sont contrastées. Pourtant les défis internationaux et de coopération sont énormes. La MC y prend part en décloisonnant la solidarité par-delà les frontières.


"Nous ne pouvons accepter toute la misère du monde" ou "Suffisamment de souffrances ici que pour s’occuper de celles des autres, lointaines", avancent certains. "Le terre appartient à tous" et "les droits humains sont universels" répondent d'autres, avec force. Le champ est ouvert à la polémique, aux débats respectueux ou pas, aux positions politiques que l’on rejette ou que l’on adopte… Au final, il n'y a de toute façon pas de solutions simples. Et il est nécessaire d'élaborer des actions dans un  esprit nuancé. Le dialogue est la seule voie. Il doit permettre de construire sans diviser… La Mutualité chrétienne n'est pas absente de ce processus. Au travers des valeurs qu'elle défend, des actions qu'elle entreprend, elle raconte "une histoire d’espoir dans un monde divisé", comme l’exprime Jean-Pierre Descan, directeur des affaires internationales de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes.

Depuis plus de 25 ans, la MC soutient des initiatives mutuellistes en Afrique et en Europe centrale. Différents liens sont tissés entre des acteurs de santé au Sud et les MC régionales en Belgique. Ainsi, par exemple, la Mutualité de la Province de Namur s’est engagée récemment dans un partenariat en République démocratique du Congo, à Kinshasa. Ces liens de coopération concrétisent des principes de solidarité qui guident la MC, notamment celui de considérer que "la solidarité ne s’arrête pas à quelques frontières physiques ou culturelles".

En Belgique, les professionnels de la mutualité mais aussi les volontaires participent depuis plus de cent ans à la construction d'une couverture en soins de santé s’appuyant sur la sécurité sociale et sur une juste redistribution en fonction des besoins, au profit de groupes humains qui se définissent comme "membres". Contribuer par l’échange de pratiques entre le Nord et le Sud à la mise en place de systèmes solidaires, ce que nous appelons notre sécurité sociale, participe de la même dynamique.

Des préoccupations communes

L'action de la MC dans les pays du sud vise à encourager le développement de structures organisées de solidarité en soins de santé. Le partenariat entre la MC de Namur et le CGAT (Centre de gestion des risques et d'accompagnement techniques des mutuelles de santé) à Kinshasa va dans ce sens. Des échanges avec nos partenaires congolais, nous pouvons attester que intuitivement, un tel système de solidarité est acquis : les solidarités intrafamiliales, de communauté ou de village en témoignent. Travailler avec nos collègues là-bas permet de soutenir ces dynamiques au niveau de la santé, d’aider à les développer localement et à les structurer. Nos collègues kinois reconnaissent notre expertise en matière de protection sociale. Ils souhaitent comprendre notre système, l’adapter à leurs réalités afin de rendre effectives les conditions minimales de protection et d’accessibilité aux soins de santé. Mettre en place une couverture santé solidaire, c'est combattre l’insuffisance de sécurité d’existence, parfois cruelle dans un pays comme le Congo. Leur projet ainsi que nos échanges sont utiles, bienveillants et passionnants !

Se réinterroger mutuellement

Entendons-nous, il ne s'agit pas d’exporter "simplement" nos processus ou de financer "généreusement" l’offre de soins locale. C'est un véritable échange qui s'opère. Et nous avons à apprendre ou à réapprendre de nos partenaires au Sud. Plutôt qu’un travail à sens unique de la Belgique vers l’Afrique, c'est une lutte commune que nous menons pour un modèle plus juste où chacun a accès à des soins de qualité. Les échanges avec nos partenaires du Sud et de l'Est nous enrichis- sent également. Réinterroger avec les collègues kinois la logique d’affiliation et d’accessibilité aux soins par la cotisation, redécouvrir les fondements du principe de conventionnement en temps réel avec les hôpitaux et des conditions d'agréments, participer à la négociation d’un médecin conseil avec un prestataire sur le coût d’une intervention chirurgicale, réfléchir aux actions de prévention et de salubrité…, autant de processus qui semblent acquis sous nos latitudes. Les voir se déployer au Sud agit comme une piqure de rappel du fondement de nos métiers, de nos actions.

Renforcer la coopération aussi au Nord

Lors de missions d'échanges avec le Sud, différents acteurs du Nord s'associent. C'est l'occasion d'un décloisonnement trop rarement pratiqué dans notre routine hyper structurée. L'expérience récente avec le CHU UCL Namur le démontre. Le dialogue fut passionnant entre prestataires de l'hôpital namurois et collègues mutualistes, lors d'une visite à nos partenaires kinois. Les actions dans le Sud, mais aussi dans le Nord en sortent renforcées.

Les partenariats internationaux nourrissent en échanges d'expériences. Ils sont autant d'occasions pour nous, acteurs mutualistes belges, de redécouvrir nos fondements, de revenir à l’essence même de nos missions, voire de les réinterroger. Utiles là-bas, utiles ici. Certains diront "win-win!". Les échanges que nous entretenons, goutte à goutte avec le Sud, construisent la perspective d'une solidarité décloisonnée et universelle !