Retour à Archives opinions

Le droit pour tous de manger sainement  

Le droit pour tous de manger sainement   ©iStock

Accéder à une alimentation saine ne devrait pas être un luxe. Or, force est de constater que nous ne sommes pas tous égaux face à l’offre des produits bio, locaux et/ou de saison.  


Trop cher, pas assez de temps pour se rendre dans un magasin bio ou même pour cuisiner : difficile de se défaire des habitudes alimentaires... La liste des arguments qui justifient de ne pas consommer une alimentation saine est longue. Pourtant, toutes les études le prouvent : manger sainement garantit une meilleure santé. Jusqu'ici, rien de neuf, mais de nombreuses familles ont du mal à mettre en pratique ce beau principe. Accéder à une alimentation saine est d’autant plus compliqué pour les familles aux revenus modestes. Selon Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial à l’ONU pour le droit à l’alimentation, "c’est d’abord sur les achats alimentaires, seul poste du budget du ménage relativement compressible, que les ménages les plus précaires tentent d’économiser." Pour ne rien arranger, les aliments les plus gras et les plus sucrés vendus dans les grandes surfaces sont généralement les moins chers. Or, la surconsommation de ces aliments trop sucrés, trop salés et trop gras engendrent une série de maladies non transmissibles: diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires, etc.  

Le "lowcost": le leurre du siècle 

Dans un article paru dans La Revue Nouvelle(1), l’ancien rapporteur spécial de l’ONU pose ce constat: contrairement à ce que les industries agro-alimentaires ont voulu faire croire en proposant un accès à l’alimentation à bas prix pour permettre à chacun de se nourrir, le "lowcost" coute plus cher qu’il ne fait économiser de l’argent. En raison des processus de transformation des produits et de la présence de substances indésirables (exemple : des résidus de pesticides), les consommateurs développent une série de pathologies comme citées précédemment. Résultat: cest le budget santé qui en pâtit. L’ancien rapporteur de l’ONU prévient: "Ce que le consommateur ne paie pas à la caisse du supermarché, il le paiera en tant que contribuable, pour effacer les conséquences environnementales et sanitaires de cette alimentation industrielle.Pour Olivier De Schutter,"l’alimentation 'lowcost' a fonctionné comme le substitut de fait de politiques sociales plus robustes, qui auraient pu protéger les ménages les plus pauvres de la pauvreté alimentaire." 

Si la Belgique a fait un effort dans ce sens en augmentant la TVA des produits trop sucrés avec sa "taxe soda" par exemple, Olivier De Schutter préconise égalementde "subsidier la production de fruits et légumes et en faciliter la distribution par des investissements dans la logistique." Il ajoute: "Il faut aussi rendre les produits issus de l’agriculture biologique plus abordables, en finançant les coûts de la certification et des contrôles." 

Coupables d’être responsables? 

Encore faudrait-il que tous les citoyens aient accès aux produits de qualité. Si les villes voient croître l’offre de supermarchés et d’épiceries proposant des produits qualitativement plus intéressants, il existe encore une grande disparité dans leurs lieux d’implantation. Ce sont généralement les grandes villes et les quartiers riches qui jouissent d’une offre plus large. Comme l’indique le site web Gondola, suivant une étude de Sirius Insight,"42% des Belges n’ont pas de magasin bio à dix minutes de chez eux. Les points de vente spécialisés se trouvent principalement dans les villes et centres-villes, ce qui signifie que de nombreux Belges n’ont qu’un choix limité. Si 68% des ménages belges ont accès à plus d’un supermarché dans un rayon de cinq minutes, il n’en va de même que pour 14% des Belges lorsqu’il sagit de magasins bio." 

Les initiatives et actions citoyennes en faveur d’une sensibilisation à adopter un régime sain et équilibré sont nombreuses : dans les écoles, dans les maisons de quartiers, dans diverses associations, etc. De leur côté, les autorités publiques lancent pléthores de campagnes et autres recommandations. Or, celles-ci ne suffisent certainement pas ! Car quelque soit le milieu social d’origine des consommateurs, il n’est pas aisé de changer ses habitudes alimentaires. Soit par manque de temps, soit par manque d’information, ou de sensibilisation. Outre ces contraintes, les familles précarisées souffrent, en plus, du manque d’offre de supermarchés bio à proximité de leur domicile pour appliquer les précautions qui s’imposent en termes de consommation alimentaire. Il y a bien, en la matière, des inégalités sociales de santé. Si on veutles éliminer, il importe de les aborder dans leur globalité et leur complexité. 

 


(1) "Combattre la pauvreté alimentaire : un enjeu de civilisation", La Revue Nouvelle, n°8, 2017