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Cheval de Troie aux portes de l'Union

Cheval de Troie aux portes de l'Union De nombreux acteurs dénoncent un accord qui, globalement, organise la supériorité des entreprises des deux côtés de l'Atlantique au dépens des citoyens.
© M. Cornélis

Que cache l'acronyme "TTIP" ? Rien de moins que la mise en place de la plus grande zone de libre-échange au monde. Projet dont les (maigres) avantages et les (lourdes) conséquences sont tour à tour pointés par des syndicats, mutuelles, ONG et organisations de tout poil. Les négociations USA-Union européenne semblent foncer dans le mur. Mais un autre accord commercial, celui-là avec le Canada (Ceta), pourrait passer par la petite porte.


On pourrait croire que c'est fait exprès. Le TTIP, traité de libre-échange que l'Union européenne (UE) négocie avec États-Unis, serait volontairement repoussant, ardu, alambiqué. N'importe quel quidam le considérerait naturellement de loin, sans comprendre en quoi le projet le concerne. Il aurait tort, mais ce ne serait qu'à moitié de sa faute. Car la Commission européenne et ses partenaires évoluent dans l'ombre et le plus grand secret. Et lorsqu'une "fuite" offre de jeter un œil à la précieuse littérature, celle-ci se révèle très technique, et dissuaderait tout citoyen désireux d'en entamer la lecture.

Craintes au pluriel

Certaines associations de la société civile analysent les textes qui leur parviennent fortuitement. Ils en extraient la substance qui, lors des conférences et des manifestations qu'ils organisent, est servie à leurs publics pour qu'ils en goûtent l'amertume. Les environnementalistes alertent sur les dangers du gaz de schiste, des pesticides ou de l'affaiblissement des législations en matière de substances chimiques. Les syndicats craignent de voir les multinationales venir à bout des  réglementations du travail - qui gênent leur compétitivité - et accaparer l'activité des services publics. Les mutuelles de santé redoutent la privatisation et la commercialisation des soins de santé, la hausse des prix des médicaments, un pouvoir accru des entreprises sur les politiques de santé dans les états-membres…

Nombre de ces acteurs sont également regroupés au sein de l'Alliance D19-20 (1) ou de la campagne Stopttip (2), pour dénoncer ensemble, avec plus de poids, un accord qui, globalement, organise la supériorité des entreprises des deux côtés de l'Atlantique au dépens des citoyens.

Peu d'enthousiasme

Cette grande mobilisation porte-t-elle ses fruits ? En tout cas, des conseils communaux au Parlement européen,  l'enthousiasme n'est pas au rendez-vous dans les rangs politiques. à ce jour, 56 communes belges se sont déclarées, pour le geste, "Hors-TTIP". En France, au mois de juin, Manuel Valls estimait qu'"il ne peut pas y avoir d'accord de traité transatlantique" car "il ne va pas dans le bon sens". Dernièrement, Sigmar Gabriel, ministre allemand de l'économie et Vice-Chancelier, déclarait l'échec des négociations commerciales "même si personne ne l'admet vraiment".

À ces désaveux s'ajoute une contrariété : le Brexit. La sortie organisée du Royaume-Uni de l'UE rend le TTIP moins attractif pour les états-Unis qui y destinent une partie conséquente de leurs exportations. Les entreprises américaines savent déjà que les marchés publics britanniques leur passeront sous le nez.

Le TTIP enterré, le débat est-il clos ? Pas si vite… Les ministres européens statueront le 22 septembre sur le Ceta, l'accord UE-Canada, dont les objectifs commerciaux sont similaires à ceux du TTIP. 

Le Ceta, ce cheval de Troie

Le TTIP enterré, le débat est-il clos ? Pas si vite… Les ministres européens statueront le 22 septembre sur le Ceta, l'accord UE-Canada, dont les objectifs commerciaux sont similaires à ceux du TTIP. Il se démarque toutefois de ce dernier en un point : Ceta serait le premier traité signé par l'UE qui prévoit un règlement des différends entre un investisseur et un état. Ce dispositif, appelé ICS (Investment court system), prévoit l'instauration d'un tribunal privé grâce auquel une entreprise pourra poursuivre un gouvernement si ce dernier contrarie un investissement. Quelques pays liés par des accords commerciaux ont déjà fait la douloureuse expérience de ce mécanisme. L'Argentine, par exemple, s'est vue contrainte de dédommager Suez environnement à hauteur de 400 millions d'euros suite à la renationalisation du service d'eau de Buenos Aires. Moralité : les intérêts des entreprises priment sur les choix gouvernementaux, et donc démocratiques.

De toute évidence, le Ceta est aussi dangereux que le TTIP. Il est d'ailleurs considéré comme le cheval de Troie de l'accord UE-USA. "On sait que 81% des entreprises américaines présentes en Europe possèdent également une filiale au Canada, rappelle Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD. Les multinationales américaines auront ainsi la possibilité d’utiliser ce traité pour porter plainte contre les états européens en cas de désaccord".

Se réjouir de la mort annoncée du TTIP n'a donc pas de sens si le Ceta franchit la porte de l'Union européenne. Pour les opposants aux traités de libre-échange, la lutte n'est donc pas terminée.


Le mardi 20 septembre prochain, les mutualités belges prendront part à la manifestation nationale contre les accords commerciaux TTIP et Ceta. Car en l'état, ces accords ne garantissent pas l'accessibilité de notre système de soins de santé à un coût abordable pour le plus grand nombre.

Rejoignez la Mutualité chrétienne dans le cortège ! Rendez-vous à 16h30, rue des Deux églises à Bruxelles, pour affirmer que la santé n'est pas à vendre !