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Pas de répit pour les chômeurs

Pas de répit pour les chômeurs © iStock

"Jobs, jobs, jobs", le mantra du gouvernement fédéral se confirme. Il est devenu presque une ritournelle attendue, au lendemain de la fête nationale. Cet été y restera fidèle : les ministres fédéraux ont présenté leur budget pour 2019, conceptualisé autour d'un "jobs deal". Le gros des mesures annoncées entend "doper l'emploi". Il ne fait pas bon traîner dans sa recherche.


Le ton est en mode "com". Slogan, présentation powerpoint et invitation fissa aux médias pour livrer succinctement et joliment une trentaine de points d'accords entre ministres. Une primeur accordée à la presse que déplorent certains parlementaires de la Commission finances et budget de la Chambre, au moment d'échanger avec les Ministres concernés, le lendemain de la conférence de presse.

En lisant ou en écoutant les médias – voire en prenant directement connaissance des débats à la Chambre (1), les travailleurs sans emploi ou ceux qui craignent de perdre leur job auront sans doute particulièrement tiqué sur une mesure. À savoir, le renforcement de la dégressivité des allocations de chômage. Il s'agit d'après le gouvernement de "faire de l'assurance chômage un tremplin vers l'emploi". Car, la Belgique se trouverait aujourd'hui face à un paradoxe : des emplois disponibles mais vacants faute de "travailleurs qualifiés". Réduire plus rapidement les allocations de chômage (après une hausse durant les six premiers mois) serait gage d'une activation accrue des demandeurs d'emploi. Éventuellement geler la réduction (2) quand le demandeur se forme à un métier considéré comme en pénurie ferait office de stimulation pour accepter un poste vacant.

Une tendance à l'efficacité contestée

La dégressivité n'est pas une idée neuve. Elle est déjà le lot des sans emploi aujourd'hui. Puisque le gouvernement précédent – déjà conduit par un Premier francophone - avait amorcé ce principe (dégressivité en fonction du nombre d'années de carrière). Néanmoins, elle continue à faire débat en Belgique, comme chez nos voisins français, d'ailleurs. Car, ils ne sont pas rares ceux qui s'inquiètent des conséquences de telles mesures. Et appellent à la prudence. En 2014, une note documentaire du Conseil central de l'économie tirait des leçons plus que nuancées du passé : "La brève expérience française de l'Allocation unique dégressive au cours des années '90 nous a en tout cas appris que des allocations de chômage dégressives n'accélèrent pas 'automatiquement' la reprise du travail". Le Service de lutte contre la pauvreté alertait, dans la suite, sur les conséquences potentiellement néfastes pour les personnes au chômage : stigmatisées, se sentant honteuses et coupables, se repliant sur elles-mêmes et précarisées. Le dispositif de dégressivité mettrait en péril la protection contre la pauvreté, et donc la raison pour laquelle l'assurance chômage existe.

Voire contreproductive

Car le seuil de pauvreté est franchi — et du mauvais côté — par un nombre de personnes en Belgique. Les statistiques de Statbel le confirment. Et la récente campagne du Réseau belge de lutte contre la pauvreté aussi (3). Un Belge sur six doit vivre avec un revenu en-dessous du seuil de pauvreté. "Les chômeurs, les familles monoparentales et les personnes les moins éduquées sont les plus vulnérables à la pauvreté", observe l'Office belge de statistiques. Alors que le Réseau de lutte contre la pauvreté milite pour monter les minimas au-dessus de ce seuil, c'est au con traire une nouvelle fragilisation qui semble s'annoncer.

Et le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté de poursuivre : "la pression exercée sur le demandeur d’emploi pour qu’il accepte des emplois précaires est injustifiée et crée de nouveaux travailleurs pauvres". Pourtant, "plus la protection sociale est généreuse, plus vite les demandeurs d'emploi se réinsèrent sur le marché de l'emploi", estime la CSC en s'appuyant sur des études réalisées à l'échelon international. Au lieu de réduire l'aide, il s'agirait d'assurer aux chômeurs les moyens de trouver un emploi. Exemples ? Disposer d'un véhicule ou d'un abonnement pour les transports en commun, d'un abonnement pour l'Internet, de la possibilité de faire garder les enfants, de suivre des formations, etc. Autant d'éléments qui peuvent être coûteux mais sont indispensables à une recherche d'emploi prometteuse. Devoir s'en priver annonce bien des complications.

Rendez-vous en novembre. Moment où le Ministre de l'Emploi devrait lever le voile sur ses propositions concrètes. Une étude était commandée par le Ministre à peine 10 jours avant la présentation des mesures gouvernementales. Les entités régionales et les partenaires sociaux devraient être associés. Pour le bien de ceux qui n'ont pas de boulot ?