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Le travail est-il soutenable ?

Le travail est-il soutenable ? © MOC

Quel paradoxe que le travail de nos jours ! Les uns croulent sous le boulot. D'autres désespèrent d'en décrocher un. Tantôt il pèse. Tantôt il épanouit. Il ne laisse en tout cas personne indifférent. Son organisation, sa place dans nos vies, sa signification mais aussi son évolution vers davantage de concurrence, de précarisation parfois, voire de raréfaction…


"Sens et avenir du travail" était le thème de la 95e Semaine sociale du MOC, traditionnellement organisée durant les vacances de Pâques (1). Cela commencera par un diagnostic — étape qu'il est sage de pratiquer avant d'envisager le futur. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les constats ont une teinte plutôt sombre.

Comme lorsque la sociologue Danièle Linhart évoque la "fordite", cette maladie caractérisée par des maux de ventre, des problèmes de sommeil… chez les ouvriers des chaînes de production de Ford au début du siècle passé, et qui n'est pas sans évoquer les souffrances vécues aujourd'hui par certains travailleurs (2).

Comme lorsque l'animatrice syndicale CSC, Khadija Khourcha, rapporte l'expérience de chercheurs d'emploi, confrontés à un désespérant : "vous n'avez pas trouvé l'emploi. Postulez pour un stage !" Une proposition non rémunérée, bien entendu.

Comme lorsque Carole Crabbe, de la plateforme achAct, fait apparaître la courbe — mal nommée — du sourire, mise en lumière par l'Organisation internationale du travail. Une courbe en forme de U qui symbolise une répartition de plus en plus inégale des profits dans le secteur du textile. Aux sommets du sourire : les gains de la conception et de la vente. Dans le bas : la fabrication, avec des salaires souvent bien en deçà du minimum vital, pour les travailleurs.

Constat sombre encore, lorsque Gérard Valenduc, de la Fondation Travail Université, parle de la multiplication du crowdworking. Son principe est le suivant : faire appel, par le biais de plateformes digitales, à une multitude de personnes (crowd) pour réaliser une tâche – par exemple cliquer like sur la page Facebook d'un Président pour favoriser son élection. Des micro-tâches au tarif négocié selon l'offre, parfois même avec un principe d’enchères allant au travailleur le moins offrant. Et ce, en dehors de toute protection sociale (3).

Le tableau général s'assombrit encore quand sont évoqués le recul de l'âge de la pension que tous n'envisagent pas avec le même enthousiasme ; ou encore l'augmentation des temps partiels (qui concerne un quart des travailleurs) dont seulement 8 % relèvent d'un véritable choix. Etc.

Bref, le tableau n'est pas glorieux autour du travail. Pourtant celui-ci continue à occuper une place prépondérante voire décisive dans nos vies, dans notre société, "profondément construite autour de cette valeur", rappelle-t-on à la Semaine sociale. La perspective de la disparition de ce mode d'organisation de notre société ne se profile pas à l'horizon. Par contre, il s'agirait de cheminer vers un travail porteur d'émancipations individuelle et collective, estime le MOC.

Vers un emploi de qualité pour tous

Quand les participants à la Semaine sociale rêvent l'avenir en mode travail, ils le résument dans l'idéal d'un emploi de qualité pour tous. Et que mettent-ils derrière le mot "qualité" ? Ils y voient un travail porteur de bien-être, un travail qui fait sens pour soi et pour la collectivité, un travail qui s'inscrit dans une démocratie économique, où les travailleurs participent aux décisions de l'entreprise et n'en sont pas seulement les exécutants, un travail avec un salaire décent et sans discriminations, un travail en adéquation avec sa formation et inscrit dans un processus de transmission des savoirs entre travailleurs… Ces critères relèvent-ils de l'inatteignable ? Pas nécessairement. Des expériences existent autour, par exemple, de modèles coopératifs. Des pistes sont aussi à explorer autour, notamment, de la réduction collective du temps de travail.

Des propositions à débattre

"Aujourd'hui, il est temps de se remettre en route pour construire ensemble les utopies du monde que nous voulons, exhorte le président du MOC Christian Kunsch. Il nous faut continuer de voir, juger, agir, avec les militants en Wallonie et à Bruxelles, dans nos organisations, nos fédérations. Continuer à débattre des utopies que nous voulons mettre en œuvre". Voilà qui pose les premiers jalons d'une réflexion sur des propositions que le MOC souhaite "basculantes", à mettre à l'étude afin de "redonner du souffle au projet égalitaire et solidaire". À suivre donc cette manière de rêver réalistement l'avenir au travail.