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L'impôt, cette contribution mal-aimée

L'impôt, cette contribution mal-aimée © EASYFOTOSTOCK BELGAIMAGE

Vive l'impôt !”, lance le Mouvement ouvrier chrétien (MOC), en cette veille d'élections. Une acclamation qualifiée d'audacieuse. Car, ce sont davantage la grogne, l'exaspération ou le fatalisme qui marquent les mines des citoyens, lorsque les discussions s'aventurent sur ce terrain.


Assurément, ce matin d'avril sur le marché, on est loin des vivats pour l'impôt. Tout en préparant des bouquets de tulipes qui ont encore la cote, le fleuriste devise avec un habitué – ancien contrôleur des finances, paraît-il. Ce ne sont plus les nouvelles des enfants qui les occupent, comme ce fut le cas avec les clients précédents. Mais bien les sommes que l'Etat réclame. Les propos s'échangent à la cantonade, comme une invitation aux matinaux de passage à faire part de leurs expériences.

L'heure est sans conteste aux récriminations. Trop de charges. Trop d'impôts. L'incompréhension domine, tandis que surgit un partage de bons plans. Un don de 50 euros à une association aurait finalement rapporté à un badaud un rien vantard. La formule se noie dans la plainte ambiante. Mais un autre larron lance alors bien à propos : c’est bien la preuve que la solidarité rapporte, voilà une raison de continuer à être solidaire… Le parterre en sourit, puis s'en retourne à d'autres papotes sur les soins particuliers pour telle ou telle variété de fleurs.

Réforme dans l'air… “Tax on web” ne résonne pourtant pas encore à nos oreilles. Il faudra attendre environ un mois pour que le refrain annuel nous rappelle à nos devoirs de citoyens et à cette fameuse déclaration fiscale. Il n'empêche : la préoccupation est dans l'air. Peut-être parce qu'elle ne quitte jamais nos causeries. Peut-être aussi, parce qu'en cette veille d'élections, la question de la fiscalité a pris une certaine acuité. “Tous les partis ont déposé leur projet de réforme fiscale. Il est donc fort probable que la prochaine législature sera marquée par une telle réforme”, observait récemment le secrétaire général du MOC, Pierre Georis, en introduisant la Semaine sociale du MOC, consacrée à l’impôt(1). “Mais quel en sera le contenu? Nul ne peut le dire, tant les divergences sont fortes entre ce qu'expriment les uns et les autres”.

Taxation des loyers, taxation de la circulation automobile, réforme des intérêts notionnels, révision de la TVA sur certains produits…, ces idées émises récemment sont loin de recueillir un consensus. “En matière de réforme, le message général semble être de double contrainte, poursuit Pierre Georis : 'il faut changer', mais 'à la condition de ne surtout toucher à rien'.

Dites “contributions”

Pourtant le statut quo est difficilement envisageable à moins d'oublier les engagements vis-à-vis de l'Europe (aboutir rapidement à un équilibre des finances publiques) et les fortes demandes d'investissements publics (pour l'accueil de la petite enfance et l'enseignement, pour répondre au vieillissement de la population, pour permettre à la justice de fonctionner, pour la promotion de la santé, pour des transports publics efficaces, pour renforcer la sécurité…). Ne l'oublions pas, les impôts doivent permettre de financer ces services à la collectivité. A une époque, on parlait de “contributions”. La formulation désuète était plus parlante, estime le président du MOC, Christian Kunsch, pour désigner ce “carburant des pouvoirs publics”. En effet, considérer les impôts uniquement comme un prélèvement sur le pouvoir d'achat des ménages serait oublier une de leurs raisons d'être : mutualiser les moyens pour répondre aux besoins des ménages. Peut-être pas directement. Peut-être pas à court terme. Et souvent de manière peu lisible pour le citoyen.

Une mécanique avec du sens

Il n'est pas l'heure de faire moins en matière de fiscalité, avertit l'économiste Gérard Valenduc. Nous n'en avons pas les moyens. Sauf à prélever dangereusement sur les générations futures, comme nous l'avons déjà fait”. Et le spécialiste d'espérer que la réforme fiscale qui s'annonce après les élections se limitera à une réorganisation. Elle devra par contre faire mieux, c'est-à-dire être plus juste, recommande-t-il, afin que chacun – particulier et entreprise – contribue au financement des services publics en fonction de ses moyens. En toile de fond, il y aurait lieu alors de veiller à l'équité horizontale (traiter également les égaux), à l'équité verticale (demander à ceux qui ont davantage de contribuer davantage en termes de pourcentage), mais aussi de considérer, pour les contributions, l'entièreté du revenu ou du bénéfice. Les principes sont valeureux a priori. Mais la traduction dans les faits ne brille pas par sa simplicité.