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En 2017, remisons tant le cynisme que les superlatifs

En 2017, remisons tant le cynisme que les superlatifs © Istockphoto

Dans les rétrospectives 2016, il a semblé de bon ton aux chroniqueurs de remarquer le positif de l'année écoulée. Pourtant l'actualité de ces derniers mois n'a pas manqué de charrier son flot de rudesses, voire d'atrocités. Entre l'optimisme exigé et le pessimisme enfermant, l'issue se trouve sans doute dans une troisième voie : celle de l'espérance à cultiver à la manière du philosophe, avec discernement.


"2016, c'était aussi des bonnes nouvelles", avance le journal La Croix, pas seulement des crises et des guerres. À l'orée de l'année nouvelle, le quotidien français reprend les propos du philosophe Michel Serres qui bouscule l’idée reçue selon laquelle nous vivons dans un monde de plus en plus violent (1). La violence, en dépit des apparences, a décru dans la longue durée, précise le quotidien.

Puis, "l'extrême pauvreté recule dans le monde" ; "la couche d’ozone se reconstitue"… Même son de cloche chez son voisin de kiosque, Le Monde revient en images sur "Les bonnes nouvelles de l’année 2016 qui nous ont peut-être échappé" (2). Le quotidien de référence propose sur son site un tour d'horizon en 3 minutes 30 avec, en vrac, des avancées médicales, quelques progrès écologiques ou des améliorations des droits de l’Homme pour "adoucir le tableau de cette année plutôt sombre".

La rédaction en ligne du Soir a légèrement remanié le topo à la sauce belge. Pour répondre aux nouvelles normes d'écriture propre au web et génératrices de clics, Le Soir quantifie. Elles seraient au nombre de 16 (tiens, tiens, comme l'année…), les infos positives potentiellement passées inaperçues. Depuis les pandas sortis de la liste des espèces menacées d'extinction jusqu' à l'extension du réseau Ryanair en Belgique, en passant par l'accord de paix signé en Colombie avec les Farc, le retour à la musique du chanteur Renaud ou les médailles belges aux JO…(3)

Haro sur les mauvaises nouvelles

Sans nécessairement s'accorder sur les sujets de "bonnes nouvelles", et leur pertinence, on perçoit la volonté marquée çà et là de s'éloigner d'une rétrospective marquée par d'évidentes tragédies. Comment néanmoins oublier les attentats, le renforcement des dispositifs d'exclusion, les propos glaçants de populistes, les vains appels au changement de cap, les inégalités qui se creusent d'une manière toujours plus criante… ?

"Le monde tourne mal" – ritournelle de plus de vingt ans – résonne particulièrement à la clôture de 2016. Et ce, même aux oreilles des plus grands hédonistes. À moins de s'abrutir devant de larges écrans colorés, de se contenter d'une giclée de feux d'artifice pétaradants. Et encore…, même là, les sourires en mode superlatifs ne convainquent pas, trop construits pour ne pas se révéler en partie factices.

"2016, année scandaleuse", indique Le Monde dans ses pages sportives, alors que les salaires des stars du foot flirtent avec l'indécence. "2016, année dégoutante", lance le journaliste du Soir Pierre Bouillon se retournant sur l'année politique. "Le dégoût de la haine qui répond à la haine. De l’inflammation populiste qui nous touche nous, aussi bien que nos voisins. Et le dégoût de cette fameuse parole qui se libère." "La parole ne se libère pas, poursuit le chroniqueur. Elle moisit. Elle pue. Elle s’infecte comme on peut le constater dans le bus, au parlement, autour des tables, sur les forums ou ces réseaux sociaux qui, de plus en plus, convoquent l’image des égouts de la pensée." (4) Et c'est là sans doute, que le bât blesse le plus.

"Une mosaïque de petits pavés qui, pris séparément, n’annoncent pas forcément un horizon radieux ; mais mis bout à bout, dessinent un imperceptible chemin, celui de l’espérance…"

Travailler l'avenir

On veut alors croire au discernement critique dont tout un chacun est capable. Il apparaît urgent de le cultiver à souhaits, tant il évite les manipulations qu'elles soient religieuses fanatiques ou consuméristes. Et si d'aucuns, comme le philosophe Frédéric Lenoir milite pour développer des ateliers philosophiques avec les enfants (5), gageons qu'il n'y a pas d'âge pour cette pratique.

Pas d'âge, ni de bagage particulier. Elle a pour cœur le questionnement, celui qui fait tomber les préjugés. Elle s'accompagne d'un temps d'arrêt pour la pensée, pour le recul, pour l'attention aux alentours. Elle permettra sans doute de remarquer comment d'autres ont fait et font encore progresser le monde. Elle amènera à faire la distinction entre spectacle médiatisé et réalité. Elle nourrira notre nécessaire utopie, sans commune mesure avec une quelconque méthode Coué et toute différente de l'illusion. Elle éclairera les facettes positives pointées par les optimistes : "une mosaïque de petits pavés qui, pris séparément, n’annoncent pas forcément un horizon radieux ; mais mis bout à bout, dessinent un imperceptible chemin, celui de l’espérance, à cultiver comme un bien précieux, parce que rare". (1) En route pour 2017.