Editos

Soigner la santé de nos démocraties

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La prévention, pour la démocratie aussi photo (c)Adobe
La prévention, pour la démocratie aussi photo (c)Adobe
Elisabeth Degryse

Elisabeth Degryse

La pandémie a accentué les antagonismes dans nos sociétés et créé de nouvelles fractures dans la population : vaccinés contre non vaccinés, personnes en bonne santé contre personnes fragiles, ceux qui sont inquiets, ceux qui le sont moins, ceux qui ont encore confiance en nos politiques pour gérer la crise, ceux qui ne l’ont perdue… 

Le risque est réel aujourd’hui de voir ces clivages récupérés par des mouvements extrémistes, voyant dans cette période difficile pour nos démocraties un tremplin pour leurs idées dangereuses. "Liberté individuelle ou solidarité collective : peut-on encore en appeler à la raison et l’intelligence de chacun ? Le dégât majeur causé par le virus est mental, désormais, puisqu’il amène une société à exprimer publiquement de tels antagonismes. C’est cette faille que les extrémistes voient comme une occasion unique à saisir. Et c’est ce qui la rend extrêmement dangereuse", analysait Béatrice Delvaux, éditorialiste au Soir, au lendemain des manifestations qui ont éclaté entre des casseurs et la police le 22 novembre à La Haye, à Rotterdam, et dans une moindre mesure, à Bruxelles.

Il y a quelques mois de cela nous étions encore, pour nombre d’entre nous, suspendus aux annonces des comités de concertations (Codeco) pour être informés, pour comprendre, pour prendre notes de la suite des mesures… Aujourd’hui il faut bien le constater : la gestion de cette pandémie s’avère plus compliquée que nous ne l’avions jamais imaginé. Si l’approximation pouvait se comprendre au début de la crise, aujourd’hui elle devient inaudible. 

Un peu d’humilité ? 

Et si nous sortions dès lors des messages coercitifs… Et si un peu d’humilité était aujourd’hui la bonne réponse ? Nos démocraties ont aujourd’hui réellement besoin de débats de fond et serein sur la vaccination, sur la gestion de crise, sur ce que l’urgence peut justifier comme non-concertation des acteurs concernés, et sur ce que, quoiqu’il arrive, doit se jouer en concertation… 

Mais reconnaissons-le : tout le monde est à bout. Que ce soit au sein des hôpitaux, des acteurs de santé de première ligne, des institutions liées à la santé d’une manière ou d’une autre, dont les mutualités, et certainement au gouvernement aussi… Et le temps pour ces débats de fond n’est sans doute pas disponible aujourd’hui. Ni l’espace mental. 

Alors un peu d’humilité serait sans doute une bonne idée. 

Il n’y a pas de solution magique pour sortir de cette crise. Le vaccin est un outil essentiel et efficace pour gérer cette pandémie. Mais il ne suffit pas, à lui tout seul, à nous rendre nos vies d’avant, comme nous l’avions espéré. Le variant Delta s’est montré plus redoutable que prévu et un autre variant (Omicron) frappe déjà à nos portes. 

Nous devons donc apprendre à vivre avec le virus. Définitivement. Pour toujours, la vie d’avant n’est plus et ces débats sur la vie d’après doivent être menés maintenant et de manière sereine, construite, argumentée et démocratique. 

L’occasion de rappeler, que comme souvent en santé, la prévention ne doit jamais être oubliée. Et dans ce domaine de la démocratie, celle-ci passe aussi par toutes les politiques de participation, de cohésion sociale, d’éducation permanente qui nous sont chères en tant que mouvement social, et qui ont plus que jamais leur sens.  

C’est en investissant autant dans les enjeux démocratiques que sanitaires que demain notre société aura réellement tiré les leçons de cette crise.