Expositions

Visite médicale

4 min.
© La Boverie
© La Boverie
Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

Ticket en main, nous voici invité à pénétrer dans un ascenseur du CHU de Liège. Espace immobile, cette reconstitution de la cage mécanique de l'hôpital se veut être un sas de préparation, il assure la transition entre l'agréable cadre extérieur et l'univers médical dans lequel nous serons plongés : le corps sous toutes ses coutures. Sang, squelette, douleur… À première vue, rien de très drôle ni de bien ragoûtant. Une impression vite détrompée lorsqu'on pénètre dans la première des quatre parties qui structurent cette vaste exposition.

Images médicales, images mentales

Des grandes cimaises blanches. Une série de peintures d'art abstrait. À côté de chacune d'elles, une photographie prise au microscope qui représente une coupe de cellule. Le visiteur est invité à découvrir les similitudes entre la photographie et les œuvres d'art. Elles sont parfois saisissantes – voyez cette lithographie de l'artiste belge Pol Bury couplée à un cliché de cellules dérivées d'un cancer du colon ! Parfois, il faut faire preuve d'un peu plus d'imagination. Le but du jeu ? Montrer que l'art abstrait et les images scientifiques peuvent se rencontrer, dialoguer, se compléter, de manière ludique. Des mouvements, des formes, des couleurs qui se répondent.

Corps sculptés, corps scrutés

Après le jeu, la leçon d'histoire. Après l'abstrait, voici les gros plans, la chair malmenée, les organes et leurs 1001 détails. Détour par le 16e siècle. Délaissé au Moyen-âge, le corps suscite à nouveau l'intérêt. À partir de la Renaissance, médecins et artistes partagent leur savoir. L'anatomie est enseignée dans les académies, et ceux qui prodiguent les soins ont besoin de dessins pour mieux connaitre les muscles, les nerfs, les vaisseaux, les os qui composent l'humain. L'art est au service de la médecine. Les planches anatomiques sont souvent mises en scène de manière artistique, les poses des écorchés rappellent les œuvres antiques. Elles permettent de voir ce qui avant ne pouvait être vu. À partir du 19e siècle, c'est le divorce. Pas violent, certes, plutôt progressif. es modèles anatomiques 3D facilitent l'observation, la photographie fait son apparition, l'imagerie médicale va suivre. Et puis, la conservation des corps s'est améliorée, il est donc plus facile de les manipuler et de les observer. Retour à la visite. Pour assurer une digestion des images sans nausées, quelques œuvres contemporaines sont installées çà et là, véritables respirations humoristiques dans et impressionnant cabinet de curiosités. Il y a, par exemple, ces œuvres de quelques célébrités belges : les squelettes mystiques de Paul Delvaux, celui aux bras multiples de Johan Muyle. Et ceux de Wim Delvoye, radiographiés et objets de scènes classées "X".

Inspirer, expirer

Les maux du corps et ceux qui les soignent ont toujours inspiré les artistes. Certains n'ont pas été tendres avec des praticiens considérés comme des charlatans, des apothicaires vu comme des vendeurs de potions magiques, des arracheurs de dents aux compétences douteuses… D'autres, ensuite, montrent les évolutions technologiques et les actes médicaux de plus en plus précis. Plus tard encore, le corps et ses faiblesses intéressent toujours les peintres, sculpteurs et créateurs. Les œuvres anciennes et contemporaines communiquent entre elles. Des dialogues qui amusent et questionnent. Et puis, si certains représentent le corps, d'autres utilisent ses fluides comme moyen d'expression. C'est le cas par exemple de Selçuk Mutlu qui peint avec son propre sang. L'une des pièces maîtresses de l'exposition est sans aucun doute l'installation de Laurence Dervaux : des centaines de fioles et de réceptacles en verre, de tailles et formes différentes, tiennent en équilibre. Tous sont remplis d'un liquide rouge, parfois clair, parfois vif, parfois trouble. L'installation représente la quantité de sang pompée par le cœur en 1h28. Une œuvre monumentale qui nous renvoie à notre fragile condition humaine.

L'art à l'hôpital

Le CHU de Liège est partenaire de l'exposition et fête son 30e anniversaire. Depuis sa conception, la clinique a toujours intégré des œuvres d'art dans ses allées. La visite se termine par un couloir imaginaire qui rassemble un exemplaire de "lambris" par artiste présent dans l'hôpital. Parmi ceux-ci : Marthe Wéry, Sol LeWitt ou encore Daniel Buren. La leçon d'anatomie est terminée. Cette exposition de genre est surprenante, ludique et instructive. Elle nous rappelle que quelques coups de pinceaux ont conditionné la justesse de nombreux coups de scalpels.

 

Une oeuvre sous la loupe

Médecins, patients et internet

Un clavier d'ordinateur, une souris. Ils s'animent et prennent vie. En sortent des chiffres, auscultés par un drôle de médecin…

"Le clavier des songes" est une œuvre vidéo réalisée en 2004, à la demande des médecins libéraux d'Île-de-France. Son auteur, Patrick Corillon, est intervenu pour exprimer l'évolution de la relation entre praticiens et patients depuis la prolifération des sites Internet consacrés à la santé. Ces sites ont engendré de nouvelles pratiques. Le patient demande maintenant au médecin de confirmer une autoévaluation établie via ces sites. Et, éventuellement, de se justifier s'il établit un diagnostic qui ne correspond pas aux informations saisies sur Internet. "Le rapport d'autorité était en train de changer, explique Patrick Corillon, les médecins étaient conscients de ce bouleversement et n'avaient aucune réponse face à cette expérience. Ils ont souhaité faire appel à une personne extérieure pour avoir un point de vue. J'ai rencontré de nombreux médecins avant de proposer cette vidéo animée, qui est une allégorie du rapport entre le patient et le médecin. Le film de 8 minutes a été utilisé par les médecins, mais il a aussi été projeté en dehors du contexte hospitalier."

La Boverie tient ses promesses

Rouvert depuis un peu plus d'un an, le musée de la cité ardente tient toutes ses promesses. Au-delà de la qualité des expositions proposées, La Boverie a de multiples atouts :

  • la Belle Liégeoise : une nouvelle passerelle cyclo pédestre qui relie la gare de Liège-Guillemins au musée. Elle offre également un panorama magnifique des bords de Meuse; 
  • la verrière : extension vitrée dont la modernité se marie avec élégance au bâtiment initial. Un espace d'exposition lumineux et à partir duquel on jouit d'une très belle vue sur le parc;
  • le parc : avec sa roseraie et son bassin, il apparait comme un souffle romantique en plein cœur de la ville. Pas nécessaire d'acheter un billet au musée, il est ouvert à tous et à toute heure.

Pour en savoir plus ...

La leçon d'anatomie, 500 d'histoire de la médecine 

Jusqu'au 17 septembre, tous les jours de 10h à 18h, sauf le lundi

12 EUR (réductions possibles)

Musée "La Boverie", Parc de la Boverie 3 à 4020 Liège

Infos : 04/238.55.01

www.laboverie.com