Expositions

Projet PAO : Les citoyens aux commandes du BELvue

4 min.
© musée BELvue
© musée BELvue
Sandrine Cosentino

Sandrine Cosentino

"Le musée n'a fixé aucune limite ?" s'interroge une participante. La réponse est tout en nuance : oui et non… Le terrain de jeu pour créer l'exposition temporaire est l'espace où se trouve la collection permanente du musée. La surface est très vaste mais le projet devra y trouver sa place. Pour le reste, tout est à créer !

À l'initiative d'Arts&Publics, de Mooss vzw et de la coopérative Cera, PAO consiste en une cocréation entre des institutions d'art et leurs publics. Après une expérience concluante réalisée au Musée du folklore et des imaginaires de Tournai fin 2018, c'est au tour du Musée BELvue à Bruxelles de se lancer dans l'aventure. Le 4 septembre dernier, la trentaine de citoyens sélectionnés se rencontraient pour la première fois afin de démarrer le projet en douceur.

À leur arrivée, tout est fait pour les mettre à l'aise. Le projet et les partenaires sont présentés en français et en néerlandais. Les animatrices insistent sur le fait que le projet est intégré dans le musée et non à part du musée. Chacun devient partenaire et cocréateur. Toutes les tâches qu'une équipe effectue pour réaliser une exposition devront être assumées par le groupe. Il n'est pas simple d'imaginer le résultat dans 9 mois… Qu'à cela ne tienne ! Avec de la motivation, de la curiosité, de l'écoute et des compromis, c'est un travail qui s'annonce riche en découvertes et en surprises. L'important est d'utiliser les forces et les affinités de chacun pour mener ce projet jusqu'au bout. Il n'y aura pas de limite à l'imagination, il faudra néanmoins s'accommoder des limites matérielles du musée. "Pourrons-nous faire une exposition temporaire qui n'a rien à voir avec ce qui est installé en permanence ?" s'inquiète une personne de l'assemblée. Kim Cappart, médiatrice cul­turelle pour Arts&Publics, rassure : "C'est typiquement le genre de question qu'on se pose au début et auquel il est très difficile de répondre. Petit à petit, vous vous sentirez de plus en plus à l'aise avec l'idée d'associer une idée à une autre…"

Pour briser la glace et faire connaissance de manière plus "intime" avec le BELvue, les organisateurs lancent une mission à l'assemblée. Par équi­pe, ils doivent chercher et photo­­gra­phier des objets spécifiques, par exemple l'objet le plus petit de la salle. Ils essayent ensuite de reconstituer la scène d'un tableau. Et la sauce prend, comme on dit. Ça discute, ça rigole, ça taquine…

Les prochains mois seront bien remplis pour le groupe. Jusqu'à la fin de l'année, deux fois par mois, les ateliers inviteront les participants à se questionner sur la production culturelle. Ensuite, le rythme des rencontres s’intensifiera pour déterminer la thématique, concevoir l'exposition, produire les supports de communication, imaginer la scénographie. Et c'est le 21 avril prochain qu'aura lieu le vernissage !

En Marche aura le plaisir de suivre les grandes étapes de cette création citoyenne. Plusieurs articles seront proposés en ligne sur le site enmarche.be : témoignages des participants, découverte des réserves du musée, choix de la thématique, évolution du travail…

Une sélection difficile pour un groupe très diversifié

En Marche a rencontré Kim Cappart, médiatrice culturelle pour Arts&Publics ainsi qu'Aurélie Cerf, coordinatrice de projet au musée BELvue. Leur enthousiasme à commencer le projet Public à l'œuvre (PAO) au BELvue est palpable.

En Marche : D'où vient l'idée de présenter une exposition réalisée par le grand public ?

Aurélie Cerf : Au BELvue, cela fait déjà plusieurs années que nous travaillons de manière participative. Nous sommes intimement convaincu que le message est plus percutant quand la cible s'adresse à la cible ! Il y a un an et demi, la proposition d'Arts&Publics de participer à PAO nous a séduit !

Kim Cappart : Public à l'œuvre est né en Flandre, à Leuven chez Moos vzw. La coopérative Cera nous a demandé de développer ce type de projets dans la partie francophone du pays. Il y a tellement  d'aspects sur lesquels les professionnels du secteur doivent se focaliser qu'ils n'ont pas toujours le temps de regarder ce que les publics souhaitent voir dans les musées. Ce projet permet d'avoir un regard neuf sur la manière de présenter l'art.

AC : Certains professionnels ont parfois tendance à aller toujours dans la même direction et de ne pas penser "out of the box". Si on n'y prend pas garde, on ne voit plus certaines choses qui sont évidentes…

KC : Et on se repose sur des généralités qui fonctionnent… Depuis plusieurs années, il y a pourtant un changement de pensées sur le rôle du musée. Dans cette mouvance, certains font des efforts pour changer mais il faut du temps pour mettre cela en place.

AC : Intégrer le public dans un projet, cela peut faire peur car c'est déstabilisant, cela peut amener des idées complètements farfelues… C'est une mise en danger car nous perdons le contrôle en quelque sorte. Et tout le monde n'est pas prêt à se lancer dans une telle aventure.

EM : Justement, quelles sont vos craintes par rapport à ce projet ?

AC : Honnêtement, je n'ai pas de craintes. J'espère que la mayonnaise va prendre entre les participants, avec nous et avec les autres collègues du musée. Il faut surtout se mettre en tête que nous n'avons pas d'attentes particulières par rapport à un résultat précis. Tout est encore à faire, à construire…

EM : Vous avez tout de même un objectif puisque le vernissage de l'exposition est prévu au printemps…

AC : L'idée est effectivement d'avoir une exposition qui sera inaugurée et présentée au public pendant plus de deux mois. Mais j'insiste vraiment sur le fait que nous n'avons pas défini un nombre d'œuvres à exposer, pas de thématique… tout est à imaginer ! 

EM : Comment êtes-vous arrivées à constituer le groupe qui va commencer cette aventure ?

AC : Nous avons lancé un appel qu'on a diffusé via différents réseaux de communication pour toucher les citoyens le plus largement possible. L'objectif était vraiment de rassembler un groupe le plus diversifié possible en terme de profils, de jobs, de passions, de hobbies, de provenances, d'âges, d'origines…

EM : Avez-vous atteint votre objectif ?

KC : Oui, tout à fait ! Nous avons reçu près de 90 candidatures via un formulaire en ligne.

AC : Nous ne nous attendions pas à avoir autant d'engouement par rapport aux inscriptions. La force d'être avec plusieurs partenaires a permis d'assurer une large diffusion. Cela a fonctionné puisqu'une grande diversité de candidats a répondu à l'appel : des très jeunes, des étudiants, des seniors, des francophones, des néerlandophones, des habitants de Bruxelles mais également de Wallonie et de Flandre, des personnes qui n'ont rien à avoir avec le secteur des musées, d'autres qui travaillent dans l'éducation. La sélection a été difficile !

AC : Malheureusement, nous ne pouvions pas garder tout le monde. Nous avons dû fixer quelques critères pour constituer un groupe varié.

KC : Nous avons préféré donner priorité aux personnes moins habituées à travailler dans le secteur culturel.

AC : Pour le BELvue, il était très important d'avoir une représentation francophone et néerlandophone puisque nous sommes une institution bilingue. Nous ne voulions pas qu'il y ait uniquement des Bruxellois afin que tous les habitants de Belgique s'y retrouvent. Nous avons finalement sélectionné 34 candidats et 27 d'entre eux nous ont confirmé leur participation.