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Grèce : de l’Antiquité à la crise actuelle

3 min.
Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

Nautile. Le mot, issu du grec ancien, désigne le marin, mais également un petit mollusque à coquille spiralée. Celui-ci sert de guide à la remarquable exposition Nautilus. Navigating Greece, consacrée à la Grèce et à la mer. “Les Grecs ont toujours entretenu une relation étroite avec la mer méditerranée, expliquent les commissaires de l’exposition. Et la mer a joué un rôle de première importance dans la formation des civilisations qui se sont développées le long des côtes”. De l’art cycladique (3.000 avant JC) à l’époque gréco-romaine, en passant par les périodes minoenne, mycénienne, archaïque et classique, Nautilus nous fait voyager au cœur des riches culture et civilisation grecques à travers différents thèmes : genèse, écologies, croyances, odyssées, routes maritimes...

L’exposition rassemble une centaine d’œuvres et d’objets historiques (figurines, sculptures, poteries, fresques, monnaies, monuments funéraires, bijoux…) provenant de 30 musées grecs. Bon nombre sont exposés pour la première fois hors de Grèce. Aux pièces de l’Antiquité s’ajoutent des créations de 20 artistes grecs, illustrant une grande variété de moyens d’expression et techniques modernes : photographie, peinture, gravure, vidéo, installation sculpturale…

C’est dans la confrontation, dans le dialogue entre les œuvres antiques et les créations contemporaines que se trouve certainement le plus grand intérêt de cette exposition à la scénographie soignée.

Ainsi, par exemple, la fresque du Pêcheur de Théra fait face à des photographies représentant la vie des pêcheurs d’aujourd’hui, leurs efforts pour dompter la mer et repousser leurs limites. De même, les Odyssées mythiques et historiques, individuelles et collectives, mises en scène par les artisans de l’Antiquité continuent d’inspirer les artistes contemporains. A l’instar d’Ulysse, qu’ils soient peints, sculptés ou photographiés, les voyageurs et émigrés d’aujourd’hui se retrouvent face à la peur de l’inconnu, aux dangers d’une mer tumultueuse, aux attraits des contrées lointaines ou encore au bonheur du retour chez soi. Le voyage maritime peut aussi se manifester en une odyssée d’images poétiques et esthétiques, tant la mer est belle.

Les œuvres présentées, issues de diverses périodes, partagent la même vivacité, les mêmes aspirations existentielles et la même proximité à la vie”, commentent les commissaires qui postulent que “la création contemporaine permet de lire, d’interpréter mais aussi d’interroger d’une façon nouvelle les œuvres historiques”. Un pari réussi.

La Grèce en temps de crise

La découverte de l’art contemporain grec se poursuit tout naturellement dans l’exposition No country for young men. Contemporary greek art in times of crisis, accessible gratuitement au rez-de-chaussée de “Bozar”. Ici, la porte d’entrée est davantage politique, voire militante. Une trentaine d’artistes et collectifs grecs exposent leur travail artistique autour de l’impact de la crise sur leur pays(1). “L’exposition rend compte de la réalité socio-économique de la Grèce en se penchant sur les mutations dramatiques produites sous le signe de la crise. Elle montre comment celle-ci a affecté le peuple, le corps social, les institutions, le paysage et l’environnement mais aussi la production artistique, peut-on lire à l’entrée de la première salle. L’exposition se penche aussi sur les opportunités offertes par la crise pour réinventer et ré-imaginer le pays. Elle met en lumière la créativité qui a jailli au cours des dernières années (…)”.

La créativité est effectivement au rendez- vous. Ici, par exemple, comme pour rompre avec les images de cartes postales qui collent à ce pays - et peut-être pour dénoncer les coupes sombres dans les budgets culturels –, des affiches défraîchies de sites touristiques semblent oubliées derrière des cadres en verre abimés. Là, douze panneaux déclinent du noir complet au blanc immaculé la même “Une” du journal Libération du 2 novembre 2011 titrant Le chaos à l’annonce surprise du référendum en Grèce sur le plan de sauvetage européen. Plus loin, sur une table, Pawn shop ressemble au Monopoly©. Mais dans ce jeu financier inspiré de la réalité grecque, les joueurs ne démarrent pas sur un pied d’égalité…

Films et photographies trouvent une place de choix dans cette exposition. On retiendra la vidéo mettant symboliquement en scène les répercussions de la crise sur la population, au départ d’une scène anodine dans un supermarché. Ou encore le petit film Qu’en est-il de notre vie? qui nous invite à dire “non”, non aux mafias et à l’Etat dont les pieds gangrenés n’ont pour se dissimuler que les bottes de la répression. Non à l’argent. Et oui à la vie, oui à la liberté…

Entre les reportages photographiques réalisés lors des manifestations à Athènes et les instantanés témoins d’une Grèce à la dérive, abandonnée, dépouillée et détruite, le tableau n’est pas plus rose. Mais il ne manque pas de nous interpeller. Comme on peut le lire sur un panneau, “la gravité de la crise grecque ne concerne pas que les Grecs. Elle est symptomatique d’un malaise européen et peut aussi être considérée comme une partie du tableau mondial”.


 

Pour en savoir plus ...

>> Nautilus (jusqu’au 27 avril) et No Country for Young Men (jusqu’au 3 août) • Palais des Beaux-Arts, 23 rue Ravenstein à 1000 Bruxelles • Infos: 02/507.82.00 • www.bozar.be