Expositions

Grande guerre : au-delà des clichés

2 min.
© La Fonderie
© La Fonderie
Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

La Grande Guerre. Les tranchées, les hôpitaux de fortune, les soldats mutilés, des foules en liesse lorsque, le 11 novembre 1918 à 11h, l’armistice est proclamée. Il y a l’Histoire. Il y a les chamboulements. Les places occupées par les uns et les autres, jusqu’ici peu contestées, sont remises en question.

Le soldat, l’infirmière… et les autres

C’est à cette réorganisation du quotidien que l’exposition "Gender@war" s’intéresse. À travers des exemples tirés d’Allemagne, de Belgique, de France et de Grande-Bretagne, elle explique le courage, les révolutions, les peurs… d’une société contrainte à se repenser dans l’urgence. Les femmes – souvent oubliées lors des commémorations – vont ajouter quelques casquettes à leur déjà ample panoplie. Elles vont devoir "tirer leur plan", entre la volonté des autorités de les maintenir à leur place et le besoin impérieux de nourrir les bouches et de faire tourner l’économie. Que de paradoxes ! Que de tâtonnements !... illustrés par de nombreux textes, photos, affiches, cartes postales, etc., tantôt outils de propagande, tantôt témoins d’une réalité nouvelle. Ainsi, on écrit dans les manuels scolaires : "pendant que les hommes livrent bataille, les femmes étudient l’art de panser les plaies et d’administrer les potions, les douces mamans deviennent des consolatrices de blessés." Certes. Mais lorsqu’elles ne pansent ni ne consolent, les douces mamans livrent le charbon, conduisent les trams, distribuent le courrier, labourent les champs, maitrisent les incendies… Des tâches jusqu’ici assumées par leur père, frère, fils ou mari. Mais cette émancipation ne peut pas procurer de plaisir, les femmes ne doivent pas "perdre leur féminité" ni oublier qu’il s’agit là d’initiatives temporaires. Leur rôle premier reste de prendre soin du ménage et d’enfanter de nouveaux soldats.

L’intimité surveillée

À côté de cette nouvelle réalité, il y a les fantasmes. Les maris au front, les femmes pourraient devenir infidèles, se livrer à la débauche, se complaire dans la lamentation, ne plus vouloir des éclopés… Là aussi, les messages de mise en garde envers ces dérives sont nombreux. Les états se doivent de surveiller la moralité des épouses. C’est le cas du gouvernement britannique, qui a mené des milliers d’enquêtes et retiré les allocations à celles sur qui le soupçon s’abattait. Pendant ce temps, depuis les campements militaires, les soldats écrivent et reçoivent des mots doux, réconfortants, porteurs d’espoirs et d’instants meilleurs. Des écrits chauds qui ne parviennent pas toujours à combler le manque d’un corps auprès de soi. On comprend, en parcourant l'exposition, comment les responsables militaires ont tenté de gérer la sexualité de leurs hommes en installant, par exemple, des bordels surveillés afin d' éviter les maladies sexuellement transmissibles. On apprend également l’existence des marraines de guerre, ces femmes qui ont noué des relations épistolaires avec des soldats esseulés. 70.000 filleuls auraient ainsi été adoptés. Cette complexité des rapports humains, ces codes qui se brouillent et qui font naître d’autres modèles – timides mais tenaces –, l’exposition les illustre admirablement. Et montre combien certains combats initiés au début du 20e siècle sont encore furieusement d’actualité.

Pour prolonger la visite

La Fonderie propose également une exposition permanente dédiée au passé industriel de Bruxelles. Le Musée offre un beau programme de découverte de la Capitale à pied et en bateau, hors des sentiers battus. Il est également possible d'y suivre des stages et d'assister à des conférences.

Pour en savoir plus ...

Gender@war

La Fonderie, Musée bruxellois des industries et du travail • Jusqu’au 21 octobre • L’exposition est accessible du mardi au vendredi de 10 à 17h et les weekends et jours fériés de 14 à 17h • 5 EUR (réductions possibles) • rue Ranfort 27 à 1080 Molenbeek • 02/410.99.50 • reservation@lafonderie.be • www.lafonderie.be