Expositions

Fenêtres sur le monde contemporain

3 min.
© Ronaldo Schemidt Agence France Presse<br />
La crise au Venezuela. Manifestation à Caracas. 3 mai 2017.
© Ronaldo Schemidt Agence France Presse
La crise au Venezuela. Manifestation à Caracas. 3 mai 2017.
Catherine Daloze

Catherine Daloze

World Press Photo est de passage à Liège. L'organisation mondialement connue prime chaque année, depuis 1955, le photojournalisme. Les clichés couronnés du 1er prix font pour bon nombre d'entre eux partie de nos mémoires collectives.

Des photos marquantes

Que l'on pense à cette petite vietnamienne nue fuyant sur une route, et pleurant de douleur à cause des brûlures au Naplam qui l'accablent (1972). Que l'on pense à ce manifestant seul face à une colonne de chars, sur la place Tian'anmen en Chine (1989). Ces images ont marqué nos esprits. Dès l'entrée, l'exposition à la Cité miroir plonge le visiteur dans cette mémoire des yeux : sur une ligne du temps se succèdent les 1ers prix depuis la création du concours. C'est peu de dire que le ton est donné. Les drames et la violence n'en finissent pas d'empreindre notre monde. Les photojournalistes s'en font les témoins, au plus près des humains impactés, de leurs regards, de leurs attitudes qui ne cessent de nous interpeller.

Des traces poignantes

La cuvée 2017 ne détone pas. Elle affiche une actualité souvent poignante, parfois même tragique et terrifiante, au gré des 160 photographies retenues par le jury de World Press Photo. La guerre en Syrie, le massacre des Rohingyas au Myanmar, les manifestations sous très haute tension au Venezuela… font partie des événements captés par les photojournalistes. Outre l'actualité générale, les clichés peuvent s'illustrer dans d'autres catégories comme l'environ-nement, la nature ou le sport.

La photo de l'année – issue de la catégorie "actualité" – montre le jeune manifestant José Victor Salazar Balza littéralement en feu. Il manifestait le 3 mai 2017 contre le président Nicolas Maduro à Caracas (Venezuela). De violents affrontements ont eu lieu avec la police anti-émeute. Le photographe de l'Agence France Presse, Ronaldo Schemidt lui aussi de nationalité vénézuélienne en a saisi l'image. Tout comme son collègue Juan Barreto, primé également pour un reportage que l'on peut découvrir dans l'exposition, autour de la même scène.

Des questions éthiques en arrière fond

La liberté trouvée dans l'eau. Cours de natation et de sauvetage. Zanzibar. Octobre 2016.

Face à ces images d'un homme en feu, comme face à d'autres clichés des photojournalistes, vient la question du "voyeurisme". N'y avait-il pas mieux à faire pour le photographe que de mitrailler de son appareil la scène ? N'aurait-il pas dû lâcher son appareil pour secourir le jeune homme ? Quand Ronaldo Schemidt commente son geste, il parle d'un mouvement réflexe, ayant senti le brasier d'une moto en feu, alors que lui-même s'éloignait du danger. Ce n'est qu'après quelques secondes qu'il réalise qu'il y a une personne au milieu des flammes, et déjà un ami du jeune homme essaye de les éteindre. On le comprend à l'entendre : tout se passe très vite. Notons plus globalement que les photojour nalistes respectent a priori des principes déontologiques : comme celui d'être tenus de lâcher leur appareil s'ils ont le pouvoir de sauver une vie. L'éthique des photojournalistes semble d'ailleurs être un élément cher à World Press Photo. Ainsi, le concours s'intéresse aux conditions de réalisation d'une image pour déterminer ses prix. Les rushes doivent par exemple être fournis afin de montrer les conditions de réalisations des photos candidates ; les photographes doivent également attester qu'aucun élément n'a été ajouté par retouche, etc.

Une touche d'espoir

Au long de son parcours, le visiteur pourra rencontrer de petites touches d'espoir, l'une ou l'autre image plus douce. Comme ce 1re prix dans la catégorie "reportage nature" de l'américaine Ami Vitale, du National Geographic, sur un orphelinat pour éléphanteaux. Ou ce travail de la néerlandaise Clara Kogelman illustrant la vie de deux jeunes soeurs dans une région rurale isolée d'Australie et primé dans la catégorie "projet à long terme". Parfois, une interprétation trop rapide de ce que nous voyons cache cette touche d'espoir. Le reportage d'Anna Boyiazis à Zanzibar (octobre 2016) témoigne de l'importance de lire une photo dans son contexte, avec sa légende, de prendre le temps de regarder. Intitulée "la liberté trouvée dans l'eau", la série montre des étudiantes qui apprennent à nager et les techniques de sauvetage dans l'océan indien. Non pas des migrantes en proie à la noyade. Même si les photos ne manquent pas de nous rappeler cette tragédie. Les anciens bains de la Sauvenière que la Cité miroir et les Territoires de la mémoire réhabilitent au service de l'éducation, de la culture et du débat, résonnent harmonieusement avec cet ensemble de photos. Ils valent le détour. Un détour autre qu'un petit crochet en passant. Plutôt une visite attentive voire animée (plusieurs animations sont possibles pour un public d'adolescents en particulier) pour aller au-delà du choc des photos.

Pour en savoir plus ...

World Press Photo

Jusqu’au 13 janvier, du lundi au vendredi de 9 à 18h et les samedi et dimanche de 10 à 18h. Fermeture les 24, 25 et 31 décembre, le 1er janvier

• 7 EUR avec tarifs réduits pour -26 ans, demandeur emploi, etc

• La Cité miroir, place Xavier Neujean, 22 à 4000 Liège

• Infos: www.citemiroir.be.