Expositions

Émotions contemporaines

2 min.
© Ernest Pignon Ernest- Courtesy Galerie Lelong & Co
© Ernest Pignon Ernest- Courtesy Galerie Lelong & Co
Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

"Je suis devenu peintre à cause de Picasso… Et si je ne peins pas, c'est aussi à cause de lui !". Parce qu'il pense que l'artiste espagnol a fait le tour de toutes les inventions plastiques possibles, Ernest Pignon-Ernest devient dessinateur. Il est aujourd'hui considéré comme l'un des pères du street art français. Selon lui, "le dessin n'est pas contraint par les mêmes hiérarchies et chronologies que la peinture. Une peinture (…), à quelques années près, je pense que je peux la dater. Pour un dessin, c'est bien plus délicat (…), c'est parfois comme intemporel."

Stigmatiser les lieux

Issu d'un milieu très modeste et tout jeune éveillé aux causes populaires, c'est sur les murs que le Niçois décide de déployer son art, avec la volonté d'animer les rues des villes. Il dénonce les politiques agressives d'expropriation dans les villes, les ravages du sida en Afrique du Sud ou encore les conditions de travail dans les mines et les usines en collant des sérigraphies dans les lieux publics. Des collages qu'il effectue lui-même, la nuit, sans autorisation. Ses oeuvres, il les souhaite éphémères, réalisées sur du papier journal, pour qu'elles puissent être déchirées, effacées aussi par le temps. Car, selon lui, la notion de réciprocité est importante.

L'artiste intervient dans la ville, mais, ses oeuvres, la ville doit avoir "la possibilité de les refuser, de les détruire." À hauteur d'yeux ou à ras du sol, ses sérigraphies très réalistes et en noir et blanc font parler les murs. Parfois discrètes, parfois plus imposantes. À leurs côtés, on marche, on mange, on parle, on joue, on dort, parfois. Par cette démarche, Ernest Pignon-Ernest tente de saisir ce que l'on ne voit pas d'un lieu. Ses souvenirs, sa mémoire, sa force, ses tensions.

Voir Naples…

La démarche proposée par le musée du Botanique a cela de paradoxal que le visiteur n'a évidemment pas accès à ces lieux, mais à des représentations. L'oeuvre ne peut pas se déplacer vers lui. Mais il reste les croquis. Ils sont nombreux dans l'exposition. Selon l'artiste, le don ne suffit pas. Le dessin maîtrisé qui sortira du mur est le fruit d'hésitations et recherches, d'abandons et de tâtonnements. Les observer illustre la modestie d'un artiste résolument talentueux. L'étage de la salle d'exposition est essentiellement consacré au travail effectué par Ernest Pignon-Ernest à Naples il y a une trentaine d'années. Une série très inspirée par le Caravage (1). Naples, c'est la lumière et les ténèbres, la sensualité et le sacré, la magie et la marginalité. Elle a magnifiquement inspiré le dessinateur qui a orné de femmes, de figures christiques ou mythologiques les ruelles de la cité.

"Empreintes" est le nom qui a été choisi pour la présentation de ces dessins et photographies. Nul doute que leur parcours laissera au visiteur une trace, une émotion. Ernest Pignon-Ernest est un artiste impliqué. En créant au milieu de nos vies urbaines, il nous invite, en douceur, à être sensible à l'autre, au monde, à l' "autour".


Pour en savoir plus ...

Empreintes • Jusqu'au 10 février 2019 • Botanique, rue Royale 236 à 1210 Bruxelles • Ouvert du mercredi au dimanche de 12h à 20h • 5,5 euros ( nombreuses réductions possibles) • visites guidées possibles • 02/226.12.18 • info@botanique.be • www.botanique.be