Expositions

Cases de Chine

2 min.
© Centre belge de la bande dessinée
© Centre belge de la bande dessinée
Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

Les non-initiés qui voudraient essentiellement s'informer sur les évolutions du 9e art en Chine risquent peut-être de perdre un peu d'énergie dans la lecture de panneaux explicatifs austères, techniques et extrêmement denses. Cela ne doit pas faire douter de l'intérêt d'entamer ce voyage vers l'Empire du Milieu. Un voyage parmi d'autres. Celui-ci, sachons-le, est co-organisé par le Ministère de la culture chinois. Une fois ces données académiques intégrées, et selon les humeurs et les envies, on privilégiera la contemplation de planches aux traits inspirés de personnages traditionnels ou de scène de la vie ordinaire. Elles sont d'une poésie et d'une délicatesse remarquables. On s'amusera devant ces copies peu convaincantes d'aventures de héros "bien de chez nous". Les visages de Tintin et Spirou ont subi quelques changements de traits qui leur confèrent un autre charme. On découvrira une sélection d'oeuvres inspirées par les manga japonais et d'autres qui reprennent le modèle des cases séquentielles incluant scénario et dialogue. On verra des exemples de Linhanhua (petits fascicules illustrés) utilisés comme instrument de propagande politique. Et on sera quelque peu perplexe devant les exemples de planches humoristiques, en se disant qu'il nous manque sans doute quelques clés pour pleinement en profiter.

San Mao, un petit bonhomme au grand pouvoir

Il n'est pas bien joli, pas bien gras et est affublé de trois cheveux sur une large tête toute ronde. Voici la première impression que nous a fait San Mao. Les aventures de ce personnage, créé en 1935 par Zhang Leping, ont évolué avec l'histoire de son pays. En Chine, San Mao est une figure connue de tous. Au départ, le petit garçon est le héros de gags, présenté sous la forme de quatre images muettes. Puis survient la guerre sino-japonaise en août 1937. Zhang Leping est alors intégré au service de propagande de l'ar-mée chinoise en lutte contre l'occupant. En 1946, l'auteur relance son personnage avec un deuxième cycle intitulé " San Mao à l'armée", où il décrit la violence du conflit. L'histoire n'est pas du goût du parti nationaliste Guomindang encore au pouvoir à Shanghai. En semi-clandestinité, Leping entreprend alors de dessiner les "errances de San Mao". Ses dessins montrent le gamin per du dans les rues, comme des milliers d'autres enfants. Les Chinois se reconnaissent tellement dans le personnage que Zhang Leping recevra des dons pour venir en aide à son petit bonhomme fictif. San Mao sera ensuite adopté par l'armée populaire. Et la fondation de la république populaire de Chine permet à son créateur d'accéder à des fonctions officielles honorifiques. Il recevra alors des scénarios formatés et ses histoires deviendront un instrument pour l'édification des masses à la pensée communiste. Vient ensuite 1966 et la révolution culturelle. Les gardes rouges vont obliger Leping a détruire un grand nombre de ses oeuvres originales. En 1976, il est réhabilité et reprendra ses pinceaux pour redessiner tous les originaux détruits. San Mao aura vécu tous les soubresauts de l'histoire de son pays (1). Faire sa connaissance est sans doute une des expériences les plus intéressantes de cette exposition. Un parcours d'images sélectionnées, bribes de l'histoire d'une Chine riche de mille facettes. Le musée de la bande dessinée offre l'occasion d'en découvrir quelques-unes.


Pour en savoir plus ...

Panorama de la BD chinoise • Musée de la bande dessinée jusqu’au 9 septembre 2018

• rue des Sables 20 à 1000 Bruxelles

• ouvert tous les jours de 10 à 18 heures

• 10 euros (réductions possibles)

• 02/219.19.80 • visit@cbbd.be • www.cbbd.be