Droits sociaux

Le contrôle des chômeurs sur pellicule

2 min.
© Cinéart
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Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

Les cœurs battent la chamade dans la salle d'attente. Les visages sont anxieux, les esprits préoccupés. Convoqués par l'Onem, les travailleurs sans emploi viennent prouver qu'ils entreprennent des démarches pour trouver du boulot. S'ils ne sont pas convaincants, ils risquent une radiation du chômage.

Dans cet espace "paysager", les bureaux sont semi-ouverts. Intimité : zéro. Les entretiens démarrent avec les mêmes questions : "Vous cherchez dans quoi ?" "Avez-vous des diplômes ?", "Puis-je voir votre CV, des lettres de motivation ?" Certains tiennent le coup, d'autres chancellent. Tous partagent une indéniable volonté de s'en sortir. Mais n'ont pas les mêmes ressources.

À 27 ans, il élève sa fille avec l'aide de la grand-mère. Sa compagne est décédée. Il a des démêlés avec la justice, n'a pas de diplôme et ne sait pas se servir d'un ordinateur. Enfin… "Ça dépend pour quoi…"

Cette cheffe de ménage avec quatre enfants accepterait n'importe quel emploi : "vendeuse, chauffeur-livreur, agent d'entretien…". Et peu importe la région. "Moi, le 31 décembre, je suis rayée", dit-elle, convaincue que la chance lui sourira et que ce contrôle est son dernier.

"Pourquoi vous ne répondez pas par mail ?", "Pourquoi vous n'écrivez pas la fonction pour laquelle vos postulez ?"… Le ton monte. Avec un soupçon de paternalisme, des expressions insidieusement infantilisantes. La domination est établie. La cruauté bureaucratique est à l'œuvre. Elle broie les espoirs des aspirants à l'emploi d'avoir, face à eux, un être indulgent.

Vexatoire, inique, humiliant… les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ces contrôles.

Questionner un système vexatoire

Les exigences de l'administration, sa boulimie de papiers, de preuves… sont telles que les réponses livrées par les individus sont rarement suffisantes. Celui qui cherche de l'emploi devrait répondre, en moyenne, à une dizaine d'offres par mois, même si le job n'est pas dans ses cordes. Il ne doit pas lésiner sur les candidatures spontanées. La mobilité et la flexibilité sont appréciées… L'important, avant tout, est de prouver qu'il cherche un emploi. Pas d’en trouver, comme le confie elle-même une employée de l'Onem.

Vexatoire, inique, humiliant… Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ces contrôles. Aux aspirations d'épanouissement, de sécurité d'emploi, de respect des travailleurs, fait face une procédure rigide et déshumanisée. Aux presque supplications des individus sont répondus des "c'est la loi", phrase qui déculpabilise le contrôleur "sanctionneur".

Durant deux ans, l'Onem a ouvert la porte aux deux réalisatrices. La caméra posée quasiment sur les tables d'entretien, elle capte la détresse des individus à l'aide de plans serrés. Avec ce documentaire, déjà sélectionné pour les "Magritte du cinéma", Charlotte Grégoire et Anne Schiltz voulaient questionner le système, pas l'accuser. Face à tant de douleurs, gageons que ce seront les spectateurs eux-mêmes qui s’y attèleront.

Pour en savoir plus ...

>> Bureau de chômage, de Charlotte Grégoire et Anne Schiltz • Belgique • 2015 • 75 minutes • Projeté au Cinéma Aventure (Bruxelles) et en Wallonie, en janvier et février.