Alimentation

Des schémas pour guider nos assiettes

5 min.
Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

La pyramide alimentaire

La pyramide alimentaire est le modèle le plus couramment utilisé dans le monde pour représenter ce qu'il faut boire et manger chaque jour et chaque semaine, et en quelles proportions, pour rester en bonne santé. Elle illustre l'importance d'un édifice solide sur sa base. En Belgique francophone, cet outil de référence utilisé par les professionnels de la santé et de l'éducation a été développé par le département Diététique de l’Institut Paul Lambin et Food in Action. En un coup d'oeil, on y voit l’importance à accorder à chaque famille alimentaire en fonction des nutriments qu'elle apporte. Plus on remonte vers le sommet, plus l’espace attribué aux aliments diminue et moins il faut en consommer. Une règle d'or toutefois : composer ses repas en variant les produits au sein de chaque famille, tout en respectant les proportions recommandées.

Le triangle alimentaire

Le Vlaams instituut gezond leven est à l'initiative d'un nouveau modèle : il s'agit d'un triangle alimentaire posé sur sa pointe accompagné d’un triangle du mouvement pour inciter à bouger. Ainsi, dans le triangle alimentaire ce qui apparait le plus important pour la santé est placé en haut. Au fur et à mesure que l'on descend, l'intérêt des aliments pour la santé diminue et leur consommation recommandée aussi. Trois zones divisent ce triangle, le choix des couleurs facilitant la compréhension du message. La 1re zone, en vert foncé, rassemble les aliments d'origine végétale. La 2e zone, en vert clair, est composée d'aliments d'origine animale ayant un effet positif ou neutre sur la santé. La 3e, de couleur peuvent avoir un effet néfaste sur la santé. Ces produits contenant certains nutriments utiles, ils peuvent être consommés mais en petite quantité. Une 4e zone, de couleur rouge, placée hors du triangle, comporte les produits transformés contenant beaucoup de sucre, de graisse et/ou de sel ajoutés. Ils doivent être évités autant que possible.

Plusieurs recommandations sont introduites : choisir des aliments durables pour assurer la nourriture aux générations futures, consommer de préférence des aliments non transformés et réduire les portions pour éviter surconsommation et gaspillage.

Quelques conseils santé

L’eau est la seule boisson indispensable à notre organisme. Il est vital d'en boire suffisamment tout au long de la journée (1 litre et demi minimum). Thé, infusion, café et tisane font partie des boissons non sucrées à favoriser.

Les fruits et légumes constituent la base de l'alimentation car leurs effets bénéfiques et protecteurs sont scientifiquement prouvés. Ils doivent représenter idéalement en 400 et 800 g par jour (selon l'organisation mondiale de la santé), avec une répartition de min. 3 portions de légumes (80-100 g/portion) et 2 à 3 portions de fruits (de la taille d'un poing).

Les féculents doivent être consommés à chaque repas. Ce sont eux qui fournissent principalement l'énergie à notre organisme. Meilleures pour la santé et plus rassasiantes, les céréales complètes (riz et pâtes complètes, pain multicéréales, quinoa…) sont à privilégier.

Les matières grasses ajoutées et oléagineux (noix, noisettes, amandes…) fournissent des acides gras essentiels, des vitamines et de l'énergie. Il convient de privilégier les huiles végétales (sauf huile de palme et de coco), de les varier et de les consommer avec modération.

Bouger est aussi important que manger sainement pour rester en bonne santé physique et psychique. Des bonnes pratiques simples à adopter au quotidien aux activités sportives à programmer sur la semaine, les suggestions sont nombreuses. À chacun de choisir ce qui lui convient.

"Changer les comportements prend beaucoup de temps" - interview

Professeur de diététique à l'Institut Paul Lambin, Nicolas Guggenbühl nous éclaire sur les recommandations en matière d'alimentation.

En Marche : La base de notre alimentation doit être constituée d’aliments d’origine végétale, ceux d’origine animale devant être consommés en moindre quantité. L'équilibre alimentaire est-il affaire de dosage ?

Nicolas Guggenbühl : Oui, de fréquence et de variété aussi. Tout cela est complexe et mérite en tout cas des messages nuancés. Ainsi, par exemple, l'intérêt de manger des fruits et légumes ne peut pas être mis sur le même pied que l'importance de diminuer la consommation de viande. Les bienfaits pour la santé liés aux aliments d'origine végétale sont nettement plus élevés que les problèmes liés à la consommation de viande, même en quantité élevée. Il faut aussi opérer une distinction entre viande fraiche et viande transformée. La charcuterie a été classée comme cancérigène mais il faut nuancer le danger en tenant compte du type de produit consommé, de la quantité et de la fréquence. Du point de vue santé, mieux vaut parfois manger 125 grammes d'une viande de qualité que certains burgers végétaux prêts à l'emploi qui comportent bien souvent trop de sel, plus d'aci - des gras saturés que la viande, sans compter divers additifs !

EM : Les Belges suivent-ils assez bien les recommandations ? Les comportements ne sont-ils pas lents à changer ?

NG : Effectivement. On ne change pas facilement les habitudes alimentaires. La dernière enquête de l'Institut scientifique de santé publique montre, par exemple, que la consommation de fruits et légumes n'a pas augmenté en 10 ans. Si l'on se penche sur les facteurs alimentaires qui diminuent le nombre d'années de vie passées en bonne santé (1), on constate qu'en Belgique, ce ne sont pas des excès de sel, de grais ses saturées ou de protéines animales qui pèsent le plus sur notre état de santé mais bien une consommation insuffisante de céréales complètes, de fruits, de légumes, de noix et de graines. C'est sur ces priorités nutritionnelles que l'on doit porter nos efforts. Il faut croire aussi et investir dans l'éducation pour amener à des comportements alimentaires sains, dès le plus jeune âge.

EM : Snacks, pâtisseries, bonbons, sodas, alcools, fast-food… Quelle est encore la place pour des aliments "plaisir" ?

NG : Manger, c'est aussi du plaisir. Interdire n'est pas constructif en nutrition. Si on se prive de ce qu'on aime, on tombe dans la frustration et le désir est décuplé. On finit par craquer et le résultat est pire encore avec un risque de culpabilité. Ce qu'il faut, c'est apprendre à doser, à savourer. C'est toujours la première bouchée qui est la meilleure. Le plaisir procuré par l’aliment diminue avec la quantité ingérée, sauf dans des cas pathologiques. Personnellement, je ne suis pas favorable à stigmatiser un aliment pour ce qu'il est. Si la pâte chocolatée à tartiner peut aider à manger du pain complet le matin, pourquoi pas. Et si l'huile peut procurer du plaisir à manger des légumes, c'est tant mieux. Bien que gras ou sucrés, ces aliments sont utiles s'ils permettent d'atteindre les objectifs nutritionnels grâce à la touche de plaisir qu'ils apportent.

EM : Si globalement les messages santé sont similaires, nous voilà, dans notre pays, avec deux outils différents. Qu'en pensez-vous ?

NG : En soi, il est sain que les modèles évoluent. Ils doivent refléter l’état des connaissances scientifiques sur les relations entre alimentation et santé et être en phase avec les objectifs nutritionnels. Il est important aussi d'adapter les messages pour qu'ils soient mieux compris et appliqués. La pyramide alimentaire a d'ailleurs subi plusieurs modifications successives. Lors de la dernière en date, en 2011, les légumineuses (lentilles, fèves, pois chiches…) ont été séparées des légumes pour montrer l'importance de les intégrer à nos repas en raison de leurs apports spécifiques.

Ce qui pose question, c'est que la Flandre ait adopté un nouveau modèle sans attendre les résultats des travaux des groupes d'experts scientifiques qui, au niveau fédéral et à la demande du Conseil supérieur de la santé, élaborent des recommandations sur les aliments sains. Cela ne facilite pas les choses.