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Un budget soins de santé inacceptable

Un budget soins de santé inacceptable © M. Detiffe

Ces dernières semaines, le gouvernement ne nous a rien épargné autour du budget : les nuits intenses dont rien ne filtre, les portes qui claquent, les coups de théâtre… jusqu'à une grand'messe pour les parlementaires un dimanche. L’occasion semblait belle pour des annonces importantes. Finalement rien de spectaculaire, rien d'enthousiasmant surtout. Certes, le budget est bouclé, mais un tiers des économies prévues affectera les soins de santé. Et au programme, peu voire pas de projets d’envergure, porteurs d’avenir. La crise gouvernementale est évitée mais à quel prix…


902 millions d’euros en 2017, voilà le montant des économies dans les soins de santé annoncé par la Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. Cela dépasse largement la proposition de 667 millions d’économies arrêtée en Comité de l’Assurance de l’Inami. Les prestataires et les organismes assureurs avaient en effet trouvé un terrain d’entente. Mais cet accord est balayé. D'autant qu'avec ce budget, le gouvernement fixe la croissance à 0,5%. Pourtant en 2014, ce même gouvernement s’était engagé à respecter une trajectoire budgétaire déjà réduite mais stable avec une croissance annuelle de 1,5% jusqu’en 2019.

La sécurité sociale mise à mal

Ce lundi 17 octobre, en Conseil général de l'Inami, la Mutualité chrétienne s’est prononcée contre le budget proposé par le gouvernement. Tout comme l'ensemble des autres mutualités. En effet, nous ne pouvons soutenir un budget qui fait peser un tiers des économies sur la sécurité sociale, sur les patients, les prestataires de soins et les allocataires sociaux. Les épaules les plus larges devraient porter la plus grande partie des efforts et pas l’inverse. Le budget gouvernemental est en ce sens inacceptable.

En particulier dans les soins de santé, nous refusons que les différentes mesures d'économies soient réalisées sur le dos des patients, par des suppléments et hausses de tarifs, par une réduction de la qualité des soins due à des réductions d’emploi et donc d’encadrement… Faut-il rappeler qu'aujourd'hui, déjà un nombre important de personnes renoncent ou reportent des soins à cause de leurs coûts ? En 2013, ils étaient 9% des Wallons, 22% des Bruxellois, d'après l'enquête sur la santé des Belges, à ne pas pouvoir se soigner pour cette raison. Dans un contexte où les situations financières se révèlent de plus en plus précaires pour de nombreux ménages, en particulier les isolés avec enfants, les économies supplémentaires projetées par le gouvernement pourraient être celles de trop.

La MC ne peut soutenir un budget qui fait peser un tiers des économies sur la sécurité sociale, sur les patients, les prestataires de soins et les allocataires sociaux.

Avec un patient toujours plus démuni

Parmi les économies prévues "au scalpel" selon les dires de la ministre Maggie De Block, citons l'augmentation du ticket modérateur sur les antibiotiques. Objectif : diminuer leur consommation en augmentant leur prix. Mais faire porter dorénavant sur le patient la responsabilité de la prise d’antibiotiques est un réel non-sens médical. D'abord parce qu'on ne peut pas dire que les traitements antibiotiques peuvent être aisément remplacés par une action du patient sur son hygiène de vie par exemple. Ensuite parce qu'on n'ingère pas des antibiotiques par plaisir. Et lorsqu'un prestataire de soins décide d'en prescrire à son patient, que demande le gouvernement au patient ? De s’opposer à son médecin en qui il a confiance, pour des raisons financières ? Cela n’a pas de sens.

Prévenir plutôt que sanctionner

Le gouvernement rate l’exercice en occultant les enjeux criants du moment. Nous connaissons les défis qui nous attendent face au vieillissement de la population, la précarisation qui touche les catégories sociales jusqu’ici épargnées, les effets du report de l’âge de la pension… Ajoutons au tableau général les difficultés rencontrées par un nombre croissant de personnes en invalidité. La MC vient encore d'attirer l'attention sur cette problématique (lire "Un invalide sur deux en difficultés financières").

Malheureusement, dans les mesures gouvernementales, on perçoit une tendance à la culpabilisation des personnes qui ne peuvent plus travailler, ainsi que la volonté toujours plus forte de les remettre ou de les garder au travail coûte que coûte. La MC le dit et le répète : il y a de vrais enjeux, notamment autour de l'invalidité; mais la solution ne se trouve pas dans le contrôle et la sanction. C'est vers une prise en charge précoce des personnes "à risques" qu'il faut s'orienter, vers l’amélioration des conditions de travail, vers l'accompagnement de la remise au travail, en impliquant l’ensemble des acteurs concernés et d’abord la personne elle-même.

Pour toutes ces raisons, la MC ne soutient pas les choix budgétaires du gouvernement Michel. Elle continuera par contre à être une force de proposition dans le but de contribuer au développement d'une sécurité sociale efficace, au service de tous, centrée sur le patient, et qui permet une accessibilité aux soins pour chacun. Notre souhait n'est pas tourné vers l'augmentation exponentielle des moyens. Ensemble avec les prestataires, nous voulons pouvoir travailler dans un cadre budgétaire stable, réaliste et orienté vers l’avenir. C’est la façon la plus adéquate et pertinente de se mettre réellement au service de soins de santé efficaces, accessibles et de qualité pour aujourd’hui et demain.