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Psychothérapie, un débat à perdre la boussole

Psychothérapie, un débat à perdre la boussole © Serge Dehaes – extrait de “Et psy…” – brochure Infor Santé

Déjà, il n'était pas toujours aisé de s'y retrouver dans le dédale des "médecins de l'âme". Psychologue, psychiatre, psychothérapeute ou thérapeute tout court… qui sont-ils ? Quelles sont les différences ? Que font-ils ? Les débats vifs autour d'une loi sur les professions de soins de santé mentale ajoutent une couche de nébuleuse, dans la tête du (futur) patient.


Quand il est question de "psy", certains se méfient d'entrée. Car l'aide psychologique relève encore pour eux du tabou, considérant qu'il faut "être fou" pour consulter. D'autres hésitent. Et parfois longtemps : le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (1) mentionne un délai moyen de dix ans avant de demander une aide psychologique… Au risque de voir une "légère" détresse s'aggraver.

Savoir à qui l'on s'adresse

Si peu à peu les mentalités évoluent, on ne peut pas dire que l'image des "psy" soit tracée de lignes claires, dans les yeux de tout un chacun. Une personne peut être convaincue qu'elle a besoin d'aide – parce que "certains événements (retraite, rupture, accident, naissance…) ou problèmes personnels (relationnels, professionnels…) la submergent" (2) – et ne pas savoir vers qui s'orienter. C'est que le secteur est "difficilement déchiffrable" tant il existe une multitude d'intervenants, tant il est encore aujourd'hui complexe de "discerner les qualifications et obédiences des divers thérapeutes" (1).

Régler les habilitations

On a pourtant cru voir arriver une éclaircie. Les faits : ce jeudi 30 juin, le Parlement fédéral débattait du projet de la ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block, touchant à la psychothérapie. L'intention ministérielle : déterminer un cadre légal qui garantisse qualité et protection des patients en psychothérapie (intervention possible de l'inspection de santé en cas de problème, service de garde pour les patients en crise, respect de la loi relative aux droits du patient…).

Cette loi réserve la pratique de la psychothérapie – en tant que traitement spécialisé – "aux psychologues cliniciens, aux orthopédagogues cliniciens et aux médecins ayant suivi une formation complémentaire". Ajoutant que "pour certains praticiens de la psychothérapie qui ne disposent pas du diplôme exigé, des mesures transitoires sont prévues".

L'intention n'est pas neuve. En avril 2014, la précédente législature avait voté une réglementation du secteur, saluée à l'époque largement. Mais cette loi comportait un "certain nombre de lacunes fondamentales de nature à mettre en péril son exécution", peut-on lire dans l'exposé des motifs de la version 2016.

Parmi les manques de 2014, le gouvernement cite le grand flou autour du système d'habilitations à l'exercice de la psychothérapie. Cependant la clarification choisie par la ministre M. De Block ne sied pas à tous. Et si la loi vient d’être adoptée, c'est bien malgré les protestations d'une série d'associations professionnelles dont le secteur regorge.

Avis divergeants

Dans la presse, le citoyen a pu lire des "pour" et des "contre". Et s'emmêler au passage les pinceaux. Tant le champ est complexe, la compréhension des enjeux délicate. Parmi les critiques, certaines vont aux accents d'un texte trop favorable au courant cognitivo-comportementaliste. Au détriment de ceux que les connaisseurs dénomment : systémique et familiale, humaniste et expérientielle, psychanalytique et psychodynamique. Une faveur que d'autres réfutent. Alors qu'il est de plus en plus question d'éclectisme (3).

Autre tonalité qui fâche certains : un accent dit trop "médical". La référence à l'Evidence based medecine, chère à la Ministre, les inquiète. Elle "témoigne d'une vision totalement insuffisante pour prendre en compte les souffrances dans le domaine de la santé mentale", indiquent des opposants à la loi, parlant de la nécessité de fonder leur action aussi "sur l’histoire des patients et sur la parole qui la rend possible" (4).

Il serait excessif de s'alarmer face à la médicalisation, expliquent d'autres considérant a contrario que la nouvelle loi ouvre "le champ des possibles" (5).

Troisième gros point litigieux : les parcours de formation prévus par la Ministre. Une partie des acteurs regrette la non reconnaissance de formations dans des associations professionnelles existantes, en dehors des milieux académiques.

Clarification pourtant nécessaire

Quoiqu'il en soit, réglementer l'exercice de la psychothérapie constitue un des préalables à toute extension de son remboursement par l'Assurance soins de santé obligatoire (seules les psychothérapies suivies chez les psychiatres sont actuellement remboursées).

Or, on le sait, le coût freine certains patients. Les consultations privées chez un psychologue peuvent varier entre 20 et 70 euros. Et les services de santé mentale ou les centres de planning familial qui proposent des prix modérés affichent des temps d'attente décourageants.

Force est alors de constater que le recours à la seule option médicamenteuse faite d'antidépresseurs, de tranquillisants, de somnifères s'impose à certains. Regrettable quand on sait "qu'une approche psychothérapeutique est au moins aussi efficace et plus durable que l'approche pharmacologique pour les problèmes de dépression (…)" (1).