Films

Quand l'hôpital devient cinéma

3 min.
© JF Dupuis - BELPRESS
© JF Dupuis - BELPRESS
Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

uFund est une société spécialisée dans le mécanisme du Tax Shelter. Il s’agit de levées de fonds mises en place par l'État, il y a une douzaine d’années, pour attirer des capitaux privés dans l'industrie audiovisuelle belge. Un cadeau fiscal de l'État qui génère en contrepartie une activité économique. Le mécanisme du Tax Shelter est aujourd'hui la première source de financement du cinéma en Belgique. uFund finance ainsi, chaque année, 30 à 40 films. La société exerce également d’autres activités dans le domaine cinématographique, de la production aux effets spéciaux en passant la promotion internationale. Du pur business donc, et plutôt florissant. Un succès que Nadia Khamlichi, la fondatrice de la société, a souhaité partager via l’action philanthropique "Cinéma for all".

Une toile à l’hôpital

"Cela me tenait réellement à cœur, insiste Nadia Khamlichi. Je voulais qu'on puisse trouver une manière de partager notre succès. Et comment avoir un impact sur la société, tout en étant en lien avec notre activité ? En amenant le cinéma aux gens qui n'ont plus la possibilité d'y aller eux-mêmes et qui ont un grand besoin de divertissement." L’idée était également de créer une activité pérenne, pas un "one shot". Et cela s’est concrétisé en avril dernier au CHU Brugmann.

"Le choix s’est porté sur le service de revalidation du site Reine Astrid, pour favoriser les personnes qui doivent subir des séjours en clinique de longue durée. Un espace d’ergothérapie a alors été transformé en salle de cinéma où un écran, un projecteur et un lecteur ont été installés." Le personnel médical a été formé à leur utilisation.

Coût total de l’installation : environ 7.000 euros, entièrement pris en charge par uFund. Et c’est là que la Fondation Roi Baudouin intervient. "Elle assure un rôle de transparence. C’est une partie de nos bénéfices qui est investie dans le projet. On donne les fonds à la Fondation Roi Baudouin qui les redistribue pour l’achat du matériel."

"On travaille avec les médecins, et on essaie de fournir des films qui correspondent aux besoins et aux envies des patients."

Des films et du lien

Une fois les problèmes logistiques réglés, il faut s’atteler au choix des films. Les hôpitaux piochent dans le catalogue de uFund mais ils peuvent aussi sélectionner d’autres titres. Dans ce cas, la société paie les droits d’auteurs. "On travaille avec les médecins, et on essaie de fournir des films qui correspondent aux besoins et aux envies des patients. Par exemple, certains ne peuvent pas lire de sous titres, il faut alors s’assurer que les films soient doublés ou projetés dans leur langue maternelle."

Actuellement, le CHU Brugmann propose deux séances par mois. "Et chaque séance demande une belle organisation, précise Nadia Khamlichi. Il faut communiquer auprès des patients, mais aussi, bien sûr, assurer une présence du personnel hospitalier et faire en sorte que chaque patient, qu’il soit en fauteuil ou dans un lit, soit confortablement installé." Actuellement, 25 patients environ se font ainsi "une toile" à l’hôpital. Quelques heures de divertissement bien méritées, mais aussi une manière de créer du lien social.

"Les patients peuvent s'y rendre seul et ainsi faire connaissance avec d’autres patients. Ils peuvent aussi venir accompagnés de leurs proches. C’est l’occasion d’entrer en contact avec d’autres personnes que le personnel soignant, et de retrouver une certaine normalité de vie. Le moral joue un rôle qui n’est plus à prouver dans la guérison, tout ce qui peut aider à se sentir mieux est précieux."

Faire des petits

Un hôpital fonctionne avec une structure administrative lourde et la validation d’un projet peut s’avérer complexe. Nadia Khamlichi, cofondatrice de uFund, ne savait pas si l’enthousiasme mutuel allait suffire. Ce fut le cas !

L’expérience au CHU Brugmann s’étant avérée concluante, quatre autres hôpitaux ont pu bénéficier de la même installation en décembre 2015 : la clinique Saint-Joseph du réseau CHC de Liège, le centre de soins psychiatriques OPZC Rekem, le CHR Mons-Hainaut et le Revalidatieziekenhuis Inkendaal. Dix autres hôpitaux, au moins, devraient être équipés en 2016. Avant d’envisager une extension du projet, notamment aux maisons de quartier.